Bergères Guerrières 1. La relève

M olly attendait ce jour depuis longtemps, mais ça y est : elle est enfin en âge d'intégrer l'ordre des Bergères guerrières ! Pour dépasser son statut d'apprentie, elle va devoir s'impliquer et se montrer à la hauteur de la tâche qui lui incombe : défendre son village. Mais, en plus de l'entraînement, la jeune fille, entourée de ses amis, devra grandir et comprendre les enjeux, les raisons et les responsabilités qu'implique la charge qui pèse sur les épaules de ses aînées.

2017 est définitivement l'année de Jonathan Garnier. L'auteur, dont les fans d'Ankama avaient pu découvrir le travail avec l'histoire The City of darkness (volume 8 de la série Doggybag, associé à Mathieu Bablet aux dessins), est en effet dans l'actualité des sorties jeunesse. Le premier tome de Momo, avec Rony Hotin (en mars chez Casterman) avait déjà montré la voie, Bergères Guerrières confirme ses talents de conteur. Une guerre lointaine et ancienne, un village livré à lui-même, des habitantes qui s'organisent, une héroïne intrépide qui veut en être, les ingrédients semblent courants. Pourtant, si le résultat est singulier, l'ensemble se tient, qui plus est, remarquablement.

Car au-delà du contexte mystérieux, l'auteur propose un parcours initiatique, certes classique, mais maîtrisé et étoffé. L'absence des hommes - et du père en particulier -, le danger contre lequel ils doivent se prémunir, la phase de rébellion dans laquelle la jeune fille commence à entrer ou encore les non-dits qui pullulent dans la petite communauté sont autant d'éléments qui se plaquent sur l'intrigue pour l'enrichir. Et comme le scénariste les introduit habilement, l'amalgame se fait et tout est cohérent. Bien sûr, quelques clichés sont au menu, mais l'humour omniprésent en atténue l'impact. La lecture est prenante et la pagination suffisamment copieuse pour installer l'intrigue, lancer des pistes et caractériser un nombre important de personnages. Enfin, l'originalité tient aussi à ces derniers ; très majoritairement féminins, ils permettent d'explorer et d’aborder les thèmes sous un angle différent de ce qui se voit généralement dans le genre.

Pour peindre cette trilogie, il s'est tourné vers Amélie Fléchais (Chemin perdu, l'Homme montagne). Plus vraiment une débutante, l'autrice, dont chacune des productions marque une nouvelle étape dans sa carrière, continue d'affirmer son style : un trait aérien, faussement naïf et des teintes pastels propices aux univers de contes. Jouant sur ces points forts, l'artiste livre une prestation solide. Avec une constance appréciable, elle dessine ses protagonistes humains (presque une nouveauté pour elle) avec autant de justesse que les créatures qu'elle a imaginées. Sa gamme de couleurs, comme ses décors, collent parfaitement à l'ambiance du récit, qui pourrait rappeler le film d'animation Dragons (par le côté entraînement au combat en milieu hostile) mais version bretonne. Elle livre des planches ultra lisibles où le découpage impose, à bon escient, les changements de rythme, accélérations comme respirations.

Cette épaisse mise en place ouvre l'appétit et donne envie de vite lire la suite. Amélie Fléchais et Jonathan Garnier ouvrent une saga entre aventures et mystères qui promet autant qu'elle se démarque, par son cadre et son ton originaux, du reste de la production.

Moyenne des chroniqueurs
7.0