Les traqueurs 1. L'Arme perdue des dieux

E n ce milieu de dix-septième siècle, la lutte pour le contrôle des routes maritimes est farouche entre les puissances hollandaise et britannique. Depuis la mort de son père il y a quelques années, Jonas s'est réfugié et enfermé dans les études de botanique. Aussi, quand son oncle lui demande de le suivre dans une expédition périlleuse au Yucatan, le naïf jeune homme voit l'occasion de vivre une grande aventure. Et puis, il y a Mara.. l'étrangère aux yeux noirs qu'il ne pourra jamais aimer, sauf en rêve. Mariée au capitaine Rodrigo Toladeno, la belle accompagne le groupe dans cette quête au but incroyable : capturer une créature mythique crée par les divinités mayas et qui serait gage d'invincibilité pour qui la conquière. En guise de preuve de son existence, une griffe de la bête a été ramenée par un homme mystérieusement assassiné. Mais le «Cerbère des dieux» est apparemment ardemment convoitée par d'autres instances...

David Muñoz (Le manoir des murmures) maintient le cap sur le fantastique avec cette nouvelle série. D'après une base historique véridique, le mélange qu'il propose avec Les traqueurs s'avère relativement classique : péripéties iodées, romance sans lendemain, batailles navales et, petite pointe d'originalité, une légende mexicaine abritée au sein d'une île sauvage. Le récit est dépaysant, il vogue entre Nouvelle Espagne, Angleterre et Indes. La narration utilise des procédés variés (flash-back, extraits de journal intime, cauchemars) qui rythment de façon agréable la lecture. Les personnages sont pour le moment présentés sans trop d'approfondissement, la priorité dans ce tome étant de tisser l'intrigue. En contrepoint de la dureté du capitaine, l'innocence du frais moussaillon et ses meurtrissures cardiaques touchent la corde sensible du lecteur : un peu de délicatesse dans ce monde de brutes !

Tirso Cons possède un style assez particulier qui ne manque pas de charme. Réaliste dans les décors, ses protagonistes sont plus caricaturaux, avec des visages allongés. Le découpage est inventif, avec des cases de forme et de taille variées, ainsi que des perspectives qui entraînent le regard dans une jolie valse visuelle. Que celui qui considère les coloristes comme une profession accessoire, sorte. Felideus porte sur ses épaules toute la beauté du rendu général. Ses aquarelles sont sublimes, il projette les pensées dans les paysages marins brumeux quasi mystiques, les ruelles ténébreuses ou dans les jungles humides. Les pleines pages, trop rares, sont des vrais tableaux impressionnistes. Son savoir-faire dans les textures et les jeux de lumières crée des ambiances envoûtantes.

Avec un scénario qui ne mise pas sur la nouveauté mais qui reste tout à fait divertissant, Les traqueurs sait se faire remarquer par un graphisme réellement impressionnant dans ses arrière-plans et sa colorisation. De plus, la dernière planche pointerait vers une direction qui emmènerait le voyageur immobile dans des territoires beaucoup moins empruntés.

Moyenne des chroniqueurs
6.0