Plutona

L a vie et son lot de contingences. Combien y avait-il de chance pour qu'à Metro city, cinq lycéens sans rien de remarquable rencontrent Plutona, une super-héroïne ? Un détail de taille : cette dernière se trouve gisante à leurs pieds, pâle vestale sur le vert gazon. Les réactions sont variées mais le dilemme est cornélien. Avec le soir qui se profile, il faut faire face et fissa. Quelque soit la décision, ils doivent rester unis. Sur la promesse de se retrouver le lendemain l'esprit plus calme, chacun rentre chez lui. Mais pour deux garçons, la nuit sera courte...

Jeff Lemire (Descender, Sweeth tooth...) propose une réflexion sur l'adolescence, ses turpitudes et ses désillusions. Car il ne faut pas s'y tromper, Plutona est peut-être la championne du monde, mais le lecteur s'en fiche un peu. Si, entre chaque chapitre, elle apparaît dans toute sa splendeur kitsch, c'est pour mieux disparaître dans un courant d'air. La « faute » en revient au scénariste qui se sert de son corps comme amorce au brainstorming des jeunes en plein doute. Le quintet de personnalités est l'occasion d'offrir autant de réactions variées et si leurs caractères sont stéréotypés, leurs actions sont néanmoins loin d'être aussi convenues. L'intrigue est très bien construite, les personnages vacillent entre loyauté et trahison, altruisme et intérêts personnels, attrait du pouvoir et modestie. Livrés à eux-mêmes, lequel serait digne d'enfiler un costume ? L'écriture juste et sensible compose avec les séquences silencieuses significatives et des dialogues concis qui laissent respirer la narration. Un goût de trop peu persiste cependant devant le manque de développement de certains protagonistes et leurs drames intimes, juste évoqués, car le dénouement arrive vite. Déjà la dernière page ? Mais... !

Le style moderne d'Emi Lennox correspond parfaitement au propos. Sans fioriture, sa ligne claire va à l'essentiel avec des décors simples et typiques, ainsi que des visages expressifs. Chaque protagoniste est identifiable avec ses particularités physiques et vestimentaires. La coloriste Jordie Bellaire parfait l'ambiance avec des aplats de couleurs douces et profondes.

Même si le point de départ de Plutona est rebattu, le récit utilise un ton doux amer et des directions qui séduisent et interpellent. Ce n'est pas tant l'arrivée qui compte, que le chemin parcouru.