Presque jamais

S on dernier souvenir : la fête chez Éric la veille au soir. Sa première vision au réveil : les rayons du soleil qui repoussent timidement la nuit dans son antre, les arbres frissonnants à flanc de montagne et un paisible fleuve argenté. Entre les deux ? Cela reste un mystère. Dérouté de se retrouver en pleine nature dans une barque, un jeune homme fait contre mauvaise fortune bon cœur et se laisse porter par le courant. Comme compagnon d'infortune, il trouve un moineau blessé à qui il ouvre son cœur et fait part des réflexions qui lui passe par la tête. Faute de grive... Cependant, à l'horizon, les nuages bouffis de dangers risquent d'écourter le soliloque et d'aggraver la dérive...

Une grosse farce, un lent songe ? Le scénariste Tommaso Valsecchi installe une atmosphère surréaliste dans un cadre propice à la contemplation. Le scénario volontairement nébuleux laisse le champ libre aux réponses aux questions sur la valeur du silence, les choix de vie imposés, la liberté de pensée, le temps qui passe... autant de sujets universels qui sont survolés le temps d'une croisière étrange sur le cours du destin. La fin, ancrée dans la réalité, propose des pistes, mais c'est au lecteur de choisir l'arrivée en laissant travailler son imagination. Les menaces tapies dans l'ombre qui jalonnent le voyage symbolisent les doutes et incertitudes qui ne manquent pas de tarauder le héros.

Le dessinateur Francesco Castelli met tout en œuvre pour renforcer la dimension onirique, belle et inquiétante : le style graphique naïf, l'absence d'encrage dans les décors qui font se fondre les arrière-plans et la palette de couleurs très douces de Valentina Grassini, donnant un aspect brossé.

Avec un graphisme au rendu pictural, le trio italien propose, sous forme de métaphore, une réflexion équivoque qui laisse beaucoup de liberté aux penseurs quant à l'interprétation finale de cette ballade en eaux troubles.

Moyenne des chroniqueurs
6.0