Le haut Palais 1. Le Pacte d'Obsidian

D evant une modeste auberge, un carrosse cossu arrête sa course. Le seigneur daignera t-il passer la nuit dans cet établissement trivial ? Ce n'est point un lord fortuné, mais l'intendant Cael Extat du clan Aldercrest, venu faire l'acquisition d'esclaves pour le Haut Palais. Cet événement est l'occasion pour certains habitants de se débarrasser d'individus encombrants et autres indésirables, vagabonds ou criminels. Pour la mère de Moth, c'est tout simplement une nécessité, synonyme d'argent pour vivre. Son garçon retient justement l'attention de l'acheteur. Serait-ce ses yeux couleur de nuit ou ses perceptions étrangement développées qui l'ont convaincu ?

Le scénariste anglais Mike Carey (The unwritten) entrebâille les portes du royaume d'Ossaniul, un monde où des dieux ont été inventés par les hommes, où la religion est aux prises avec la magie. Le récit est resserré sur quelques personnages et un seul lieu, renforçant l'impression de secret d’alcôve et de huis clos. Le lecteur suit Moth, nouvellement asservi, dans son apprentissage de couvreur auprès de son instructrice. Cael, quant à lui, dégage une aura de mystère et ses intentions restent floues. Toute l'histoire de la région et de l'ascension de la famille régnante est exposée au moyen de saynètes enluminées et de notes manuscrites. Assez complexe et riche, ce fond se révèle primordial dans la compréhension des enjeux et de la situation du pays. S'il y a finalement peu d'action, l'atmosphère envoûtante qui s'instaure attise grandement la curiosité.

Peter Gross possède un style vraiment particulier. Son dessin presque naïf concède une fausse simplicité qui peut déstabiliser au début, mais fascine rapidement. Minimaliste et parfois irrégulier, le rendu des faciés est toutefois relativement expressif. La mise en page est très travaillée, avec des techniques graphiques variées (ombres chinoises, mises en abîmes subtiles) qui contribuent à l'installation d'un caractère inquiétant. L'ambiance médiévale doit beaucoup au coloriste Fabien Alquier. Il utilise l'aquarelle, avec des couleurs naturelles dans des camaïeux de bruns, ocres et sépia ainsi qu'un jeu de trames variées. Les magnifiques peintures de la ville s'apprécient dans les pleines pages.

Ce premier tome propose une intrigue qui en dit peu, mais suffisamment pour éveiller l'intérêt. Le point fort est surtout un graphisme épuré atypique et inventif, qui ne peut laisser indifférent.

Moyenne des chroniqueurs
7.0