Le guide mondial des records Le Guide mondial des records

P aul Baron travaille pour Le Guide mondial des records. Il est chargé de valider tous types de performances pour leur ouvrir les portes du prestigieux ouvrage. Son existence se répartit entre choux démesurés, défis animaliers et engloutissements de hot dogs. Sillonnant inlassablement l’Hexagone, il croise une centenaire dans une piscine ou une majorette maladroite. Il fait le bonheur de ceux qui accèdent à une gloire éphémère et se fait menacer par ceux à qui il l’a refusée. Lui-même, traquant le hors norme, se sent fade et ordinaire. Mais un jour, un inconnu lui promet un exploit des plus morbides. Le jeu bon enfant menace de tourner au drame.

Pour leur troisième collaboration, après Dieu n’a pas réponse à tout et Les Cobayes, Tonino Benaquista et Nicolas Barral ont une idée plutôt originale. Le job et la personnalité de Paul permettent l’humour et l’ironie. Cependant, ils s’effacent pour un regard plus désespéré sur ces individus en besoin de reconnaissance, qui vont aliéner tout ou partie de leur vie pour une parcelle de célébrité. C’est le syndrome d’Érostrate (dont Sartre a tiré une nouvelle épatante), qui consiste à atteindre une forme de notoriété, quels que soient les moyens d'y accéder. Il y a là une sorte de tragédie, que le scénariste pousse au plus loin en donnant à son récit un ton plus funeste, où le rire n’a plus sa place.

La simplicité du trait de Barral soutient l’intrigue mais il se dégage une impression de vide et d’inertie. Des plans larges sont dépourvus de vie, les personnages sont figés. La mise en image manque de mouvement. Par contre, les visages ont une expressivité touchante. Pour ceux qui connaissent Barral, ces caractéristiques ne sont pas nouvelles, mais ici elles desservent l’histoire en manquant de punch, d’envolées et de panache.

Au final, il reste une bande dessinée sympathique, sans plus. Le lecteur se contente de sourire et de suivre docilement les faits, alors qu’il pouvait espérer le fou-rire, l’attendrissement et la palpitation d’une trame policière. Ces deux artistes se sont déjà montrés sous un meilleur jour.

Moyenne des chroniqueurs
4.5