La guerre de Catherine / Au nom de Catherine 1. La guerre de Catherine

C apturer l'instant parfait ou plutôt, attendre qu'il se révèle au photographe patient qui l'immortalisera sur sa pellicule. C'est ce que fait Rachel avec son Rolleiflex, cadeau précieux du mari de la directrice. La fillette a été confiée par ses parents aux bons soins de la Maison des enfants de Sèvres. Dans cet établissement progressiste, les écoliers s'épanouissent à l'abri des retombées des combats. Mais en ce début de 1940, les premières mesures antisémites tombent et pour sauver sa vie, Rachel devient Catherine Colin. Changement de nom certes, mais grâce à l'objectif de son instrument, elle gardera, tout au long de son périple, son regard acéré et empreint d'humanité sur ce monde brutal.

Adapté du roman éponyme, La guerre de Catherine dépeint le destin mouvementé d'une jeune juive, qui, grâce aux gens de l'ombre qui jalonneront son parcours, passera au travers des rafles de la Seconde guerre mondiale. Dans un convent, un orphelinat bourgeois, chez une famille à la campagne ou un couple de résistants, tous ces lieux et ces individus différents marqueront de manière indélébile son existence. Et, toujours autour du cou, sa boite à images, son grigri en quelque sorte, qui lui permettra de capter un témoignage essentiel d'une autre facette, moins connue, du conflit.

La mère de la romancière Julia Billet a fait partie de ces chanceux qui ont été sauvés par les réseaux de patriotes. S'inspirant de faits réels, elle rend hommage avec cette histoire aux hommes et aux femmes, de tous horizons et de milieux variés, qui ont contribué grandement au sauvetage de nombreuses victimes potentielles. Si les batailles et les violence sont évoquées, l'ouvrage s'intéresse essentiellement à l'arrière du front. L'ennemi n’apparaît que très rarement. Le lecteur voit Catherine grandir, évoluer, aimer et se battre avec ses armes à elle : son appareil photo bien sûr, mais surtout son courage, sa maturité et sa sensibilité. Pas de parti-pris ni de cliché, les adultes qui ont pris des risques sont de tous bords. Le contexte historique est décrit avec précision, même si ce ne sont pas les événements qui sont mis en avant, mais bien les conditions de vie du quotidien. En filigrane, une réflexion sur le rôle de l'Art élargit le propos.

Joli graphisme que celui de Claire Fauvel. Comme dans Une saison en Égypte, l'illustratrice restitue à merveille les ambiances et les époques. Son trait fluide, tout en rondeur, est expressif et dégage beaucoup de sensibilité. Le côté un peu naïf dédramatise le contexte et facilite l'immersion aux côtés de Catherine. Les couleurs à l'aquarelle apportent de la douceur et de la luminosité à l'ensemble.

La guerre à hauteur d'yeux d'enfant. Le portrait, tout en finesse, d'une belle personne prise entre deux belligérants, mais qui a su garder toute son authenticité par la richesse de ses rencontres.

Moyenne des chroniqueurs
8.0