To Your Eternity 1. Tome 1

U ne sphère tombe du ciel sur le sol glacé d'un terrain hostile. À ce contact, elle devient pierre, puis mousse. Un loup blessé foule ce tapis et sert à son tour de réceptacle, retrouvant par la même sa bonne santé. L'animal peut alors rejoindre son maître, un adolescent solitaire et pour cause, les autres habitants sont partis en quête d'un milieu moins rude. Mais ils vont revenir, c'est sûr ! Ils ont promis. Enfin, en attendant, les jours passent et se ressemblent, un quotidien difficile où la moindre faiblesse ne pardonne pas. Mais, à deux, cette existence est plus supportable. Pourtant, le fauve se comporte bizarrement depuis son retour, comme s'il découvrait tout pour la première fois, son corps, la nourriture... Peut-être était-il temps finalement de quitter le village vide, atteindre cette terre promise tant désirée. Partir avant que l'illusion se délite et que et l'espoir ne cède sa place à la brutale et insupportable réalité.

Yoshitoki Oima quitte le monde contemporain de sa série à succès A silent voice, pour poser les bases d'un univers autrement plus énigmatique et onirique. Dans To your eternity, une entité d'origine nébuleuse, Il, prend possession des choses et des humains à la condition d'avoir une «stimulation», c'est à dire un intérêt pour son évolution. Un narrateur, manifestement divin, relate ce parcours imprévisible semé d'épreuves. La mangaka maîtrise la narration de bout en bout, préservant l'aura de mystère qui entoure l'immortel. Après une partie déroutante et âpre, toute en ambiance, la suite contraste par la présentation d'une communauté au sein de laquelle évolue une petite fille au caractère bien trempé. Ce développement permet d'élargir l'intrigue et aborder de nouveaux thèmes fondamentaux tels que le rapport aux autres, l'inné et l'acquis, la conscience, le poids des croyances le poids des traditions. L'auteur n'hésite pas à malmener les individus, surprenant le lecteur qui avance avec plaisir dans ce champ des possibles.

Le graphisme est de qualité : le trait fin anime les silhouettes et la palette de sentiments vraiment large accorde une grande expressivité aux visages. Les décors naturels, les costumes et les animaux sont dépeints avec force détails et réalisme, l'immersion est parfaite.

Une entrée en matière envoûtante pour ce récit à la fois sombre et lumineux. Le road movie mélancolique prend une allure de conte initiatique avec un personnage principal très atypique qui existe seulement à travers les êtres qu'ils rencontrent. De la profondeur, de l'émotion et de la réflexion émaillent ce singulier voyage au bout de la vie.

Moyenne des chroniqueurs
6.3