Nam-Bok

P ar une journée de tempête, Nam-bok a pris le large avec son canoë et il n’est jamais revenu. Tout le monde le croit mort, sauf sa mère qui scrute inlassablement les eaux. Quelques années plus tard, le héros réapparaît. Est-ce vraiment lui ? Est-il réel ? Est-il une ombre ? Chose certaine, il dit n’importe quoi. Il leur parle des navires immenses sur lesquels vivent des dizaines de personnes, des monstres de fer roulant sur des barres faites du même métal ou encore des maisons empilées les unes sur les autres.

Nam-bok est tiré d’un conte de Jack London publiée en 1902. Les Inuits étant des gens de peu de mots, ce sont les non-dits et les silences qui sont les plus éloquents. Thierry Martin prend tout son temps pour raconter la nouvelle de l’écrivain américain, les cases sont d’ailleurs souvent muettes ; le lecteur attend la sixième planche avant de croiser un premier phylactère et les quatre dernières sont également aphones. L’album, qui compte près d’une centaine de pages, se lit malheureusement un peu rapidement, peut-être justement parce qu’il comporte peu de dialogues.

Le dessin de Thierry Martin rappelle celui de Brüno. Il est un peu froid (remarquez que dans le Grand Nord, ça se pardonne) ; la représentation des vastes espaces et celles de faciès aux teints cireux sont en effet un peu figées. Son coup de pinceau s’anime surtout lorsque la famille du protagoniste tente de visualiser les chroniques du voyageur : le monstre de fer est luciférien, les maisons empilées sont des huttes posées les unes sur les autres, etc. Mentionnons enfin les très belles scènes de nuit où des taches de couleur sont disposées sur un fond très noir pour évoquer des visages et des éléments de décor ; ces illustrations, quasi abstraites, sont très agréables.

Après plus d’un siècle, le texte de l’auteur de L’appel de la forêt demeure d’une fascinante actualité. On y discute du rapport à la modernité, du choc des civilisations, de la perception de la réalité, de la vérité et du mensonge.

Moyenne des chroniqueurs
7.0