Retour sur Belzagor 1. Épisode 1/2

D ix-huit années se sont écoulées avant que Eddie Gundersen se décide à revenir sur la Terre de Holman, ou plus exactement, Belzagor. Cette ancienne colonie humaine a été restituée à ses habitants, les Sulidoror et les Nildoror, deux espèces officiellement reconnues comme douées d'intelligence. C'est donc dans ce nouveau contexte que l'ancien militaire débarque, avec pour mission officielle d'accompagner un couple de scientifiques en quête d'interdit. Ils souhaitent observer le mystérieux rituel de renaissance, au pays des Brumes. Au cours de cette expédition, d'anciennes connaissances telles que Kurtz, gradé amateur de drogue ou Seena, une ex-amante, vont perturber le bon cours des choses. À bien y regarder, ce sont les autochtones qui se révèlent les plus diplomates. Au bout de la quête, que veulent réellement trouver les explorateurs ? Des réponses sur les secrets de cette planète ou sur eux-mêmes ?

Adaptation du roman Les profondeurs de la terre de Robert Silverberg, Retour sur Belzegor aborde des thèmes à la fois majeurs et classiques : l'écologie, la décolonisation et ses conséquences, les préjugés raciaux. Philippe Thirault (Mille visages, Mandalay...) s'est permis quelques libertés afin de rendre plus dynamique un récit pas forcément évident à rendre en images. Son scénario alterne le passé et le présent du personnage principal, Eddie. De prime abord antipathique, intolérant et condescendant envers les populations indigènes, son attitude déroutante masque manifestement des motivations toutes autres, une volonté de rédemption pour une faute encore méconnue. Le contraste entre sa personnalité et celle des natifs n'en est que plus flagrante. Ces derniers dégagent une aura de sagesse, de lucidité et d'abnégation qui impose le respect. Les rôles féminins, plutôtréduits au niveau du cerveau reptilien, sont stéréotypés mais après tout, cette note de sensualité n'est pas désagréable et est finalement caractéristique du comportement de l'homme et de ses faiblesses !

Avoir confié à Laura Zuccheri la partie graphique s'est révélé un très bon choix. Elle avait déjà prouvé sa rigueur esthétique ainsi que son aptitude à la création de mondes imaginaires dans Les épées de verre. Son style léché fourmille de détails et donne vie à une faune et une flore tout à fait réalistes, dépaysantes et envoûtantes. Bien sûr, le lecteur passionné de SF pensera aux séries de Léo mais la dessinatrice accorde plus de chaleur, d'âme et d'expressivité à son dessin, même s'il persiste un brin de rigidité dans certaines postures. Silvia Fabris a appliqué des couleurs riches et chatoyantes, en parfait accord avec l'exotisme ambiant.

Avec une intrigue basique d'apparence, mais qui se révèle beaucoup plus subtile et enthousiasmante au cours de la lecture, ce premier tome (sur deux) s'entrebâille sur un monde singulier et laisse deviner une évolution spirituelle et plus profonde que l'approche typée "aventures exotiques" de façade.

Moyenne des chroniqueurs
7.0