Le voleur de souhaits Le Voleur de souhaits

S 'il ressemble aux autres petits garçons de son âge, Félix cache en fait un secret, un don pour le moins original : il capture les vœux ! À chaque fois que quelqu'un éternue, le coquin annonce poliment : "à mes souhaits". Oui, vous avez bien entendu, à mes souhaits. Bien sûr, mue par un réflexe tout pavlovien, la personne remercie distraitement. Ce faisant, un phénomène incroyable se manifeste. L'aspiration exprimée s'élève alors dans les airs, ectoplasme onirique, monte, monte... et hop ! dans le bocal ! C'est de cette façon que Félix a réussi à se constituer une belle et riche collection de pots de désirs irisés, unique. Mais au fait, qu'en est-il de ses rêves à lui ?

Loïc Clément (Le temps des mitaines) est un enchanteur. Dans ce joli conte, il met en scène deux enfants, Félix et Calliope. La petite fille ressemble à une déesse grecque en miniature, avec sa gracieuse chevelure sombre, ses spartiates et sa petite robe aux motifs de bas-reliefs. Malgré son prénom, elle est étrangement peu loquace, instaurant une certaine aura de mystère. Ces deux personnages vont servir une histoire d'amitié, ou comment se connaître soi-même pour mieux comprendre l'autre et l'apprécier. Par le biais de la métaphore de l'espoir (nuage furtif, vaporeux et donc fragile) qui s'envole puis est volé, l'auteur aborde intelligemment le thème de la formation de la personnalité propre et laisse réfléchir subtilement le lecteur. Le langage de la voie off et des dialogues parcimonieux est de qualité, renforçant le sentiment d'intemporalité.

La simplicité du découpage - peu de cases et des pleines pages de-ci de-là - permettent d'apprécier le graphisme superbe. Après Les ogres-dieux, Bertrand Gatignol retrouve le monde de l'enfance, thème qu'il avait abordé dans Pistouvi il y a quelques années. Son trait est toujours empreint de finesse, de clarté et d'élégance et si les visages puisent dans les attributs du manga (grands yeux), son style garde son identité personnelle. Les couleurs douces sont agréablement contrastées par du noir profond, apportant du caractère à l'ensemble. Sil s'attarde un tantinet (et il aurait tort de se priver), le flâneur reconnaîtra dans les rares bâtiments la ville de Paris.

Un parenthèse pour tous dans la frénésie de l'existence, une caresse, une tendre friandise qui fait du bien au cœur.

Moyenne des chroniqueurs
7.3