Sacha et Tomcrouz 1. Les Vikings

S acha, le premier de la classe et fier de l'être, a plutôt la cote auprès des filles même si c'est pour Jade que son cœur bat. Le jour de ses dix ans, il espère bien recevoir en cadeau un animal à la hauteur de son Q.I. afin de l'aider dans ses expériences et épater un peu plus la galerie. Malheureusement pour le garçonnet, sa mère - une antiquaire excentrique -, lui offre un chihuahua... Difficile d'être crédible devant les copains à l'école avec un tel compagnon. Et quand le dit chien se révèle aussi peureux que gaffeur cela peut déboucher sur de belles surprises...

Un nouveau livre Métamorphose est toujours un évènement attendu avec gourmandise tant la collection dirigée par Clotilde Vu et Barbara Canepa recèle de perles. En plus de mondes variés, marqués et foisonnants, le soin apporté à ces albums sont un véritable plaisir pour les yeux et les mains. Sacha et Tomcrouz ne déroge pas à la règle ; dès la couverture, le ton est donné avec vernis sélectif, effets de brillance et sensations diverses au toucher. Mais l'écrin n'est pas son seul atout.

Repéré sur les réseaux sociaux en y postant des images de leur projet, le duo d'auteurs a déjà une idée précise de la direction qu'il souhaite lui donner. En effet, si la recette semble classique - le schéma héros/faire-valoir embarqués dans une aventure extraordinaire - les ingrédients le sont nettement moins. Anaïs Halard, une touche-à-tout qui signe là son premier scénario de bande dessinée, mélange de manière ludique Histoire, sciences et fantastique. Son personnage principal, guère sympathique, est le fruit de l'union d'une antiquaire farfelue dont la boutique est attenante à la maison et d'un père alchimiste-archéologue disparu dont l'entrée de l'atelier est strictement interdit. Via le tout mimi Tomcrouz, elle introduit un élément perturbateur et magique pour asseoir son concept : à chaque tome, le tandem va se retrouver « transporter » à une époque différente (grâce à un objet de la maman et une potion du papa) et se servira des sciences (la passion du garçon) pour se sortir d'une situation compliquée. Ces deux axes seront mis en relief par deux pastilles informatives, ludiques et sans danger (pour l'expérience). Deux pages, « Prends-en de la graine » pour la courte anecdote sur l'objet et « Einstein » pour le mode d'emploi sont ainsi insérées habilement dans la narration. Les vikings sert donc de mise en place à cette idée et réussit son pari. Les personnages sont bien caractérisés : le camarade de classe jaloux, le fan-club des écolières, l'amoureuse secrète, le voisin un peu trop collant comme Tilda l'esclave et la mère chineuse invétérée un poil fatigante avec ses digressions. Les dialogues sonnent juste et même si le lecteur aura du mal à prendre fait et cause pour l'enfant un peu prétentieux et pas toujours aimable, l'histoire se suit avec plaisir. toutefois, l'action aurait peut-être mérité plus de place afin de totalement s'imprégner de l'enjeu.

Le tout est habillé avec brio par Bastien Quignon. Déjà auteur de projets solo comme Trois jours en été (Actes Sud - l'An 2) ou accompagné comme El Paso et Sixteen Kennedy Express (avec Aurélien Ducoudray chez Sarbacane les deux fois), le dessinateur affirme son style. Tout en pastel, rappelant le fusain et le crayon, son trait aérien fait merveille. Mais le dessinateur ne perd pas de vue son lectorat et joue sur plusieurs tableaux : ligne d'inspiration clair pour les personnages et une technique dans laquelle il manie le flou et la lumière pour suggérer les arrière-plans plus qu'il ne les trace. La mayonnaise prend, en plus de garder une lisibilité idéale (le lettrage tient également tout son rôle), il installe des belles atmosphères aux décors évanescents. Le côté cocon et mystérieux de la maison comme l'ambiance trouble et brumeuse du pays des Vikings, sans rechercher la véracité à tout prix, il parvient à poser un cadre envoûtant entre imaginaire collectif et rêverie personnelle.

Les Vikings est un bon point de départ pour Sacha et Tomcrouz. En plus d'une série jeunesse drôle et douce, les auteurs imposent un univers à l'identité et au traitement originaux. Reste à souhaiter que les prochains opus épaississent la trame et finissent de convaincre. Dès le deuxième album, à la cour d'un roi à Versailles ?


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Moyenne des chroniqueurs
6.5