Batman - Dark Knight : The Last Crusade

B atman est fatigué. Son corps le lui rappelle quotidiennement, à chaque combat, à chaque coup reçu, à chaque effort. Pourtant, il ne se sent pas prêt à passer la main ; Robin est encore trop jeune, il lui reste tant à apprendre. Et puis il y a chez lui un je-ne-sais-quoi qui dérange le Chevalier Noir. Ou alors est-ce un prétexte pour garder le masque et la cape ?

Franck Miller sur un Batman, cela semble un gage de qualité et donne envie de voir ce que l'auteur du renouveau du Dark Knight réserve encore comme surprise. À nouveau accompagné de Brian Azzarello (100 Bullets, Luthor), comme sur ce qu'il convient d'appeler Dark Knight III, il est difficile de connaître le degré d'implication du père de Sin City dans l'écriture de cet opus, mais force est de constater que The Last Crusade s'imbrique parfaitement avec le reste des épisodes. Tout d'abord, il introduit sans lourdeur les thèmes des cycles précédents : l'usure du héros, sa recherche de succession, les questions que sa condition physique et le poids d'une telle démarche entraînent ainsi que la criminalité dans laquelle baigne sa ville. Chronologiquement placé avant la décennie d'absence de Batman, le lecteur y suit Jason Todd, le nouveau Robin, parfaire son apprentissage de combattant du crime aux côtés de son mentor. Jeune, impétueux, mais aussi doué et efficace, le justicier en herbe incarne la relève insolente à qui Batman hésite à passer le flambeau devant certaines de ses réactions. La relation entre Alfred et son patron est également mise en avant, confident toujours, conscience parfois, le premier aide le second dans sa réflexion et prend l'importance qui lui revient. Côté super-méchants, la revue d'effectif permet de revoir Killer Croc et Poivon Ivy - trop facilement expédiés - mais surtout un Joker manipulateur à souhait en instigateur du rituel soulèvement des pensionnaires de l'asile psychiatrique d'Arkham. L'enchaînement est fluide, le rythme est bon, la narration en voix off place au plus près des doutes et du cheminement de l'homme chauve-souris et le décalage phylactères-vignettes est judicieusement utilisé. Toutefois, cet ouvrage souffre d'un défaut flagrant : sa brièveté ! Cinquante-sept planches et c'est tout. À peine le temps de s’imprégner de l’ambiance, de s'immerger dans l'intrigue que celle-ci se conclut (sans vraiment se résoudre qui plus est). La sensation de frustration est réelle et dommageable. Pourtant, graphiquement, les choix de John Romita Jr sont appréciables. Sa mise en page variée, son trait vif et soigné - même si l'encrage aurait pu être plus nuancé pour lui donner son plein essor - et ses cadrages collent parfaitement à la dynamique du scénario et participent pleinement à l'immersion. Un dessin plaisant donc, relevé par les choix de colorisation de Peter Steigerwald (qui œuvre sur Lady Mechanica notamment), ses teintes se mariant avec à-propos aux différentes séquences.

Sans être un indispensable de la saga The Dark Knight de Franck Miller, The Last Crusade possède tous les ingrédients pour séduire. Malheureusement, l'épaisseur du volume laisse quelque peu sur sa faim et la décision d'Urban Comics de « rallonger » l'album en proposant l'intégralité du récit en version crayonnée ne suffira pas à convaincre au-delà des fans du dessinateur. Dommage lorsque le prix est un facteur de choix aussi important qu'aujourd'hui.

Moyenne des chroniqueurs
5.5