Kurt Cobain "When I was an Alien" Kurt Cobain

E n 1991, à Van Nuys, quartier de Los Angeles, le groupe de rock Nirvana met la touche finale à son deuxième album, Nevermind. Quelques mois plus tard, il secouera la jeunesse mondiale, les médias, l’industrie musicale et propulsera avec une violence inouïe les trois musiciens au rang de rock stars. À la tête du combo, Kurt Cobain, guitariste, chanteur, auteur et compositeur, adolescent aussi talentueux qu’écorché. Comment en est-il arrivé là ? Flashback au début des années 70, à Aberdeen, ville moyenne de l’état de Washington, à l’extrême nord-ouest des États-Unis.

Middle-class américaine, famille en tension, divorce, enfant ballotté d’un parent à l’autre. Un garçon étranger à son environnement, trouvant refuge dans le dessin, la musique, puis la guitare, la composition et les groupes de rock avec leur instabilité rituelle. Une rébellion grandissante contre père et mère, l’establishment et la société. Seules l’énergie et la colère du rock tracent une ligne à suivre au milieu des décombres d’une vie pourtant courte et un entourage délabré.

Les italiens Danilo Deninotti, scénariste de Topolino, le Mickey transalpin, et Toni Bruno, auteur de trois romans graphiques, s’attaquent au parcours de Kurt Cobain, de son enfance à la veille de l’explosion médiatique de Nirvana. Comme souvent dans l’histoire des stars du rock, la genèse est la partie la plus intéressante à explorer et à reconstituer. Le récit, réparti en quatre chapitres, le découpage et la mise en page sont classiques. Le dessin, un noir et blanc léger renforcé d’une palette étroite de bleus clairs, est fluide et efficace, sans pour autant qu’une planche ou une case retienne un instant le regard. L’œil glisse, il ne butte sur rien, mais ne se réjouit guère non plus.

La narration, qui accumule les poncifs (on dirait le parcours de n’importe quel serial killer), ne rend pas l’intensité des émotions artistiques, l’enfermement dans une création exigeante et les violences qui seront condensées dans les riffs et les paroles. Le graphisme, consensuel, monochrome et sage, n’exprime jamais ce qui fait le quotidien de ce rocker aux allures de poète maudit : l’écriture comme exorcisme et refuge, la scène comme expérience de perte de soi-même, les journées accentuant un isolement progressif et protéiforme. Les auteurs passent à côté de leur sujet, en ce sens qu’ils n’exploitent pas les multiples ressorts de la bande dessinée pour donner une vision personnelle et inspirée de cette météorite. L’hommage est cependant sympathique et incite, pour vibrer à nouveau, à replonger dans les albums de la discographie grunge.

Moyenne des chroniqueurs
4.0