(AUT) Riff Reb's Marines

R iff Reb’s est devenu, ces dernières années, un auteur de bande dessinée maritime, c’est-à-dire un pourvoyeur d’images de flots, de rivages ou de tempêtes, inscrites dans des récits qui qui se magnifient avec la solitude ou l’hostilité des éléments. Ses inspirations s’appellent Pierre Mac Orlan (À bord de l’Étoile Matutine), Jack London (Le Loup des mers), Robert-Louis Stevenson, Joseph Conrad ou William Hope Hogson (Hommes à la mer), qu’il adapte sans les paraphraser. Il prend le risque de l’enfermement artistique, mais ce dernier est vite balayé, tant le talent éclabousse les pages.

Les éditions Soleil publient aujourd’hui Marines, recueil de dessins, assortis de textes de l’artiste, qui, sous une forme poétique, métaphorique ou ironique, parlent de la création graphique. Une marine est une œuvre picturale ayant pour sujet la mer. Chez Riff Reb’s, c’est plus que cela. Certes, la houle occupe évidemment largement l’espace, mais l’homme ou le navire, son incarnation maritime, sont toujours présents. Il ne s’agit pas seulement de représenter les océans, mais l’individu face à ceux-ci, dans une relation qui semble vouée à la confrontation. Les embarcations sont sur le point d’être englouties, tandis que les marins, souvent positionnés de dos, surveillent et sont inquiets.

Le travail de Riff Reb’s s’organise en noir, en blanc et en gris. Certaines marines sont doublement exposées : en entier sur une page, puis un détail sur une double page, constituant le début d’un récit dans lequel l’imaginaire du spectateur, devenu lecteur, aura le premier rôle. Rien n’est figé, ni le paysage, ni la perception de celui ou celle qui tient l’ouvrage dans ses mains.

Scènes essentiellement nocturnes mêlant océans, ciels agités, lunes blafardes, falaises escarpées, pluie, fantômes, bateaux en perdition, les dessins expriment des tensions, des chocs et racontent, en creux, bien des histoires. Ils renvoient à la vulnérabilité de la condition humaine, à la majesté des éléments naturels et aux forces en présence lorsqu’on ne touche plus la terre ferme.

Inséré dans le coffret, un second recueil de douze portraits de pirates complète parfaitement les scènes précédentes. Inspirés, entre autres, de L’Histoire générale des plus fameux pyrates de Daniel Defoe, ils incarnent, grâce aux traits et aux mots, un monde imaginaire qui séduit immanquablement. L’ensemble est puissant, évocateur et sombre. Riff Reb’s emporte vers des horizons qui dépassent largement ceux de la bande dessinée.

Moyenne des chroniqueurs
7.5