Alix 35. L'or de Saturne

E n 49 av. J.C., Jules César et Pompée s’affrontent. L’un est proconsul de Gaule ; l’autre consul de Rome. Le premier, novateur, tient à garder, même à distance, une influence sur la vie politique de la capitale. L’autre, avec des perspectives plus conservatrices, lui fait barrage. Avant d’être une guerre civile, c’est un conflit d’influences et d’alliances. Ces manœuvres sont coûteuses et incitent les belligérants à prendre des risques et à outrepasser la légalité. C’est ainsi qu’Alix, au service de César, est envoyé sur les rives du Tibre pour obtenir le ralliement de l’influent Cicéron. Mais Pompée a convaincu certains proches de son adversaire de lancer une opération qui pourrait déterminer le dénouement de la rivalité.

Pierre Valmour, scénariste de deux volumes de Loïs, autre série initiée par Jacques Martin, et Marco Venanzi, dessinateur ici de son troisième Alix, ne poursuivent pas Par-delà le Styx, qui laissait le jeune gaulois en Afrique du nord. Ils investissent un épisode célèbre de la vie de Jules César et toutes les perfidies, connues ou imaginées, suscitées par la situation. L’Or de Saturne offre ainsi son lot de trahisons, de mensonges et de jalousie. Le peuple Silicien, humilié, cherche sa vengeance. Le trésor de Rome va être dérobé lors des Saturnales. Un mariage arrangé trouvera une issue favorable. Tous les ressorts de la bande dessinée d’aventure sont réunis.

L’album est respectueux des codes de la saga. Alix est le défenseur de valeurs immuables, au centre d’un environnement où traîtrises et fourberies sont courantes. On peut toutefois y déceler une légère touche érotique, jusqu’alors absente de l’œuvre : Tullia, promise à Petrius, a un comportement sans ambiguïté avec le jeune blond. De même, on remarque les représentations coquines aux murs de la villa maritime de Cicéron.

Le récit est rythmé et cohérent. Le découpage est, parfois, un peu bousculé et les dialogues lapidaires, des désagréments obligeant relecture et vérifications sur des nœuds complexes de l’intrigue. Le dessin est, quant à lui, plutôt sec et dépouillé. C’est un choix respectable, mais qui emmène loin du créateur du personnage, dont le style travaillé, détaillé et profond mêlait réalisme, atmosphère et poésie. Ici l’œil ne risque pas la saturation et c’est dommageable.

Le cahier des charges est respecté. Alix a son 35ème tome, fidèle à la tradition, peut-être trop. Il serait temps d’oser, de faire preuve d’audaces narratives et graphiques, sous peine de voir cette magnifique épopée s’éteindre sans que personne ne s’en aperçoive. Alix Senator a montré que des alternatives sont possibles. La créativité est le meilleur garant de la longévité.

Moyenne des chroniqueurs
6.0