Le cycle d'Inari 1. L'Âme et la matière

A lors qu’il prépare sa première exposition, Winston perd soudainement l’usage de sa jambe. De consultations médicales en séances de kinésithérapie peu fructueuses, il découvre que la médecine et la chirurgie ne peuvent rien pour lui, car s’il finit par remarcher, il avance à l’allure d’un vieillard sur ses guiboles douloureuses. Quant aux médicaments censés le soulager, ils lui provoquent des hallucinations. Pour oublier çà, une petite fête (avec une jolie fille en prime) fera l’affaire. Mais après ? Pressé par sa copine, Natsuki, qui lui demande de la rejoindre au Japon, Winston se décide à y tenter sa chance, malgré ses doutes et l’inflammation constante de ses membres inférieurs. Seulement voilà, sur place, rien ne va se passer comme prévu.

En grande partie autobiographique, ce premier tome du Cycle d’Inari (qui en comptera deux) transporte le lecteur à travers les tribulations et questionnements de son héros en quête d’inspiration et de sens à une vie un peu plate. Aussi bien ses errements sentimentaux ou existentiels que le mal mystérieux qui transperce ses jambes sont évoqués avec finesse et sans faux-semblants par Winston Wilsteiner qui signe là sa première bande dessinée. On sent le personnage indécis, désabusé, moyennement investi et davantage poussé par les événements que les maitrisant. Il peine à avancer et se retrouve paralysé au propre comme au figuré. Au fil des rencontres, des disputes ou des avis qu’il reçoit, il évolue et s’aperçoit que les envies changent, que les choix sont nécessaires. Les doutes qui l’assaillent planent jusqu’aux dernières pages ouvrant sur une nouvelle dimension qui sera développée par la suite. En parallèle, l’onirisme s’invite au gré des rêves ou des cauchemars du héros, apportant une pointe fantastique assez agréable au récit.

Graphiquement, cette sensation prégnante d’un certain engourdissement de l’esprit et du corps est parfaitement rendue, entre autre par une bonne expressivité des protagonistes et une représentation bien imagée des douleurs aux jambes dont les contours, en rouge, sont hérissés de pointes d’autant plus accentuées que la souffrance du héros est forte. Le découpage s’avère soigné et l’alternance de longues bandes horizontales, parfois assorties de cases plus petites, offrent des angles de vues variés. Les décors sont minutieux et certaines illustrations pleine page se révèlent magnifiques. La colorisation pastelle accompagnant le trait léger confère un caractère à la fois doux et intimiste au propos.

Avec ses thèmes qui trouveront un écho chez beaucoup, L’âme et la matière ouvre plaisamment ce diptyque.

Moyenne des chroniqueurs
6.5