Bob Morane - Renaissance 2. Le village qui n'existait pas

P arti dans le nord du Nigéria pour convaincre les habitants de Zamosho de la formidable opportunité que constituent les casques éducatifs neurotech pour leur avenir. Son convoi est attaqué par des drones et son chauffeur gravement blessé. Il le porte sur son dos pendant des kilomètres avant de finir dans une ville futuriste sans savoir que ce geste va lui sauver la vie. La cité a été créée par le mystérieux Mr Ming pour lutter contre les injustices du capitalisme. Persuadé que Morane est l’instigateur d’une immense manipulation contre le peuple nigérian, il entend bien lui faire payer. Toutefois, sa nièce Tania Orloff, qui administre la ville en son nom, a du mal à concevoir que le français mérite le châtiment ultime.

Après un premier tome qui amorçait de manière intéressante le retour du célèbre commandant (qui ne l’est pas ici), cette suite valide cette renaissance. La boucle est bouclée, les personnages sont bien en place ainsi que la toile de fond, à savoir ce qui pourra les rapprocher ou les opposer. Le maître mot de ce diptyque est "modernité".

Tout d’abord, fini le héros imperturbable et infaillible. Bob Morane est un être qui vibre, capable d’exprimer des sentiments et de se tromper. Ming, le grand méchant, est lui-même défini avec plus de subtilités qu’auparavant. Loin de l’être diabolique, il apparaît dans une ambivalence intrigante : d’un côté, des motivations plutôt louables, de l’autre, un fanatisme et une intransigeance extrême. Ces deux personnalités charismatiques vont certainement être amenées à s’affronter. Pourtant, des liens existent entre eux, ne serait-ce que dans leur illustration de l’adage qui veut que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

Ensuite, si Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray bâtissent un vrai récit d’aventures plein d’action et de rebondissements, ils n’en oublient pas ce qui marque leurs productions respectives habituelles : un contexte sociétal. La dose d’anticipation très souvent présente dans la série originelle, mais souvent de pure forme et d’un aspect gadget, sert ici une histoire contemporaine dans laquelle s’inscrivent des thèmes actuels tels que le développement de l’Afrique, le néo-colonialisme ou encore le questionnement autour des géants du numérique et leur capacité à contrôler et façonner les individus et les sociétés.

Pour porter leurs propos, les scénaristes ont trouvé un dessinateur au style actuel, Dimitri Armand. Son trait réaliste ne s’exprime pas dans le souci du détail, sacrifiant régulièrement les arrières plans, mais dans une recherche constante d'atmosphères et de mise en valeur des émotions des protagonistes. Son découpage, ses cadrages et ses angles de vue apportent tout ce qu’il faut de de dynamisme, d’expressivité et d’impact visuel pour séduire.

Un aventurier est de retour. Plus concret, plus attachant, plus vivant, il est bien plus qu’un ersatz de son devancier, tout en respectant la symbolique. Longue vie Mr Morane !