Saga (Vaughan/Staples) 6. Tome 6

M arko et Alana sont enfin réunis, mais sans leur fille, enlevée par le groupe terroriste "la Dernière Révolution". La petite Hazel a maintenant quatre ans. Avec sa grand-mère, elles ont finalement échoué dans une prison de la planète Continent. De leur côté, Gwendoline et Sophie sont parvenues à trouver de quoi permettre la guérison de Le Testament, mais au prix de la mort de sa sœur. Le mercenaire prend très mal cette « résurrection ».

Saga est une série atypique, un univers dans lequel, derrière un mélange de science-fiction et de fantasy, Bryan K. Vaughan s’attache à introduire une histoire très personnelle. Le scénariste déclare volontiers vouloir écrire sur la paternité et le fait de fonder une famille dans un monde marqué par la guerre, le terrorisme et autres violences « quotidiennes ». Derrière l’exagération nécessaire pour offrir un souffle épique, c’est bien une fable sur notre quotidien qui se décline. À travers les pérégrinations de personnages lambda, voici l’occasion de plonger dans notre réalité, sur les valeurs qu’elle renvoie et qu’il faudra bien expliquer aux enfants. Si le couple « métis » est au cœur du propos, il partage de plus en plus la vedette avec la petite Hazel. La gamine découvre progressivement que ses congénères sont capables du pire (la violence et la destruction lors de son enlèvement) comme du meilleur (le revirement d’une des terroristes, la tolérance de l’institutrice du camp d’internement). Elle découvre également qu’elle n’est pas la seule « bizarrerie » via Pétrichor, un cornu doté de seins et d'un sexe masculin.

Miroir de nos sociétés, Saga est aussi un merveilleux divertissement traversé de rôles secondaires puissants consciencieusement bâtis. Autour d’eux, se tissent d’autres fils narratifs croisant, pour le meilleur ou pour le pire, le chemin de Marko et Alana. Si certains épisodes précédents avaient pu froisser des lecteurs, la balance penchant plus du côté soap opéra que space, l’équilibre est clairement rétabli ici. Entre la tentative pour libérer Hazel et son aïeule, la réapparition des deux journalistes (et leurs interrogations sur leur rôle et le prix de la vérité) et le retour du chasseur de prime, ce sixième tome truffé de rebondissements est mené sur un rythme alerte. L’ennui ne se fait jamais sentir et ce d’autant plus que, du fait de la multiplicité des enjeux et des intervenants, il est bien impossible de savoir ce que l’auteur va sortir de son chapeau.

Fiona Staples a créé une véritable identité graphique qui colle au choix de mettre les individus en avant. La dessinatrice assurant elle-même les couleurs – choix assez rare dans l’univers des comics –, elle est contrainte de « simplifier » son travail sur les arrières plans par des jeux de textures numériques. Les différents protagonistes, précisément caractérisés et expressifs, en ressortent d’autant mieux. L’ensemble de son œuvre construit une atmosphère particulière, efficace et séduisante.

Pour ceux qui souhaitent connaître à coup sûr où l’on va, eh bien, ce n’est toujours pas le cas. Pour les autres, ce nouvel opus confirme que Saga est bien une des séries les plus excitantes du moment.