Les grands Peintres 8. Courbet

P aris, 1866. Alors qu'Offenbach lance sa Vie Parisienne, un scandale sanglant entache la première. Une femme est retrouvée nue, égorgée, le visage masqué et le sexe exposé. Pour le procureur qui découvre le corps, l'affaire est faite. La mise en scène rappelle ce tableau outrageux de Courbet dont le Tout-Paris fait des gorges chaudes. Les enquêteurs vont donc partir en quête du modèle de l'Origine du Monde.

Évoquer Courbet à travers son tableau le plus controversé, qui resta pendant plus d'un siècle loin des yeux du public, l'idée est a priori racoleuse. Mais Fabien Lacaf déjoue le piège en inventant une enquête policière qui mène à des personnages truculents, tel cet ambassadeur ottoman qui a juré de se ruiner en un an, ces muses un brin cruelles et ces grands noms du Second Empire. Au sujet de l'Origine du Monde, rien n'est sûr, ni le commanditaire, ni le modèle. L'auteur s'engouffre alors avec une certaine subtilité dans les flous de l'Histoire de l'Art et livre un récit et des scènes d'atelier plutôt convaincants.

Le dessin se veut naturaliste, mais pas tout à fait à la hauteur du chef de file du courant réaliste. Il est plaisant d'imaginer ce qu'aurait donné toute une bande dessinée faite selon le style du maître auquel elle rend hommage, un peu à la façon de Gradimir Smudja. Mais peut-être les contraintes éditoriales qui imposent un rythme de parution soutenu à cette collection dédiée aux grands peintres ne permettent-elles pas un tel exercice graphique. L'ensemble est toutefois plaisant et reconstitue plutôt bien une capitale en pleine effervescence. Un seul regret, la couverture d'un crayonné aux couleurs délavées n'est guère attirante. Il aurait été préférable de représenter un portrait plus léché du peintre, quitte à laisser sa toile à l'état d'esquisse.

Moyenne des chroniqueurs
6.0