Les fables de l'Humpur 3. Le Royaume d'Ophü

P oursuivant leur ascension vers le Grand Centre, le trio contre-nature constitué de Véhir, Tia et Ruogno se voit adjoindre une quatrième recrue : Sassi, la Siffle, douzième épouse en fuite du Roi d'Ophü, trouvée en train d'accoucher dans la neige d'un petit qui n'est pas celui du monarque. Alors que le froid et la faim rendent fous les carnassiers et poussent Véhir à s'offrir en casse-croûte, le groupe est recueilli in extrémis par une vieille chamane. Mais le temps joue contre eux, leurs ennemis, les preux de la Génétie, pressent leur Seigneur de l'Animalité à traquer et ensemencer Tia, car la naissance de cet enfant est le préalable à la venue d'une ère nouvelle.

Le froid est un personnage à part entière dans ce troisième volume adaptant le roman éponyme de Pierre Bordage. Au cœur des vertigineuses montagnes recouvertes d'un manteau d'un mètre de blanc, les créatures étranges et oniriques jaillissent du blizzard. Le climat suscite à la fois la peur, l'angoisse mais aussi une protection contre les hordes qui traquent les fuyards. Le Royaume d'Ophü est l'occasion de découvrir une nouvelle race et de toucher du doigt les dieux humains. La quête hasardeuse de Véhir n'est plus vaine et il s'en trouve ragaillardi. Dans ce quasi huis-clos gelé, les tabous inter-espèces continuent de tomber, les personnages oscillent entre leurs instincts prédateurs, la rigidité de leur culture et une collaboration, voire une attraction sacrilège. Ils commencent à devenir presque humains : serait-ce là le but ultime de leur épopée ? L'intérêt du passage à la bande dessinée est de rendre accessible un roman qui a pu refroidir ses premiers lecteurs par le choix de la langue et par son univers atypique et ambitieux, une sorte de rurale fantasy animalière qui peut dérouter le temps des premiers chapitres. Plus rythmé que la version littéraire, les Fables de l'Humpur en conserve toute la densité et la complexité.

Aux pinceaux, Roman et Richard font encore merveille pour décrire cet univers post-apocalyptique original. Le tour de force consiste à donner vie, émotion et réalisme aux créatures hybrides. Le soin apporté aux décors crée des paysages à la fois familiers (notre Massif Central) terrifiants et fantastiques avec son relief escarpé, ses curieux arbres animés et l'irruption des bohms de neige au détour d'une tempête.

La suite réussie d'une très belle adaptation.

Moyenne des chroniqueurs
7.0