A Silent Voice 1. Tome 1

Q uoi de mieux pour sortir de l’ennui que des défis absurdes ? C’est du moins ce que croit Shoya Ishida, toujours prêt à sauter d’un pont ou à buter dans des poteaux, même quand ses potes trouvent ça moyen. Quand Shoko Nishimiya arrive dans sa classe en cours d’année et révèle qu’elle est malentendante, il la prend pour une extraterrestre et n’a, alors, de cesse de tester sa surdité. Trop gentille, trop douce, il finit par la prendre en grippe et en fait sa proie favorite. Après tout, ne ralentit-elle pas tout le monde ?

Ijime. Un terme japonais plutôt court pour désigner le harcèlement scolaire, un phénomène ancien aux conséquences souvent dramatiques qui sévit dans les cours de récréation – et au-delà -, faisant couler beaucoup d’encre, mais toujours trop tard, quand il s’est glissé dans les journaux ou a fait le buzz sur internet. Tel est l’un des thèmes principaux de A silent voice, l’autre étant le handicap ou, dans une lecture plus large, la différence.

Yoshitoki Oima ne prend guère de pincettes pour évoquer brimades, paris stupides et réflexions pourries qui débutent d’entrée de jeu et vont crescendo. Ce n’est d’ailleurs pas l’envie qui manque d’en coller une à Shoya, tant son attitude est détestable, et ce, dès le début. Mais son comportement immature et inadmissible trouve un pendant bien plus dérangeant dans celui de ses camarades dont les propres failles apparaissent peu à peu et finissent par donner la nausée. Leur façade aimable s’effrite au fil des pages pour basculer d’abord dans l’indifférence, puis dans l’adhésion passive – ricanements et sourires en coin en disent parfois long -, avant de basculer dans l’action, une fois que l’arroseur se retrouve arrosé. Peu importe finalement la cible, ce sont les brutalités morales et/ou physiques qui sont ici dénoncées. Et nul n’est épargné, pas même le corps enseignant. Le mangaka rend très bien le tumulte des émotions à la fois des différents personnages, mais aussi – et c’est essentiel – du groupe. Ainsi, l’enthousiasme premier de la classe qui ne ménage pas son aide à la douce Shoko en raison de sa surdité se transforme progressivement en lassitude et en détestation, voire en haine. Le récit est porté par un graphisme expressif et au trait fin qui transmet bien le ressenti des protagonistes, tout en reprenant les codes classiques du genre. Le découpage précis et les cadrages variés assurent une bonne dynamique, ainsi qu’une grande fluidité. Quant à la barrière induite par le handicap, elle est habilement mise en scène à travers les yeux étonnés de la gamine qui en souffre et l’utilisation d’un cahier qui lui permet de communiquer avec les autres.

Voilà donc une entrée en matière réussie pour ce shônen qui donne envie d'y revenir. Nul doute que l'auteur aura matière à bousculer ses héros dans les six prochains tomes.

Moyenne des chroniqueurs
7.0