Les larmes du seigneur afghan 1. Les Larmes du seigneur afghan

D epuis dix ans, Pascale Bourgaux se rend régulièrement en Afghanistan pour des reportages. En mars 2010, alors qu'elle fait route vers l'aéroport, son rédacteur lui demande de renoncer, mais elle refuse. Ne doit-elle pas une fois de plus rencontrer Mamour Hasan, un chef de guerre du Nord du pays, ancien compagnon du commandant Massoud et, à l'époque, véritable rempart contre les talibans ? Arrivée sur place, la journaliste s'aperçoit que l'ambiance n'est plus la même dans le village du patriarche. Si celui-ci conserve son autorité, trop de déçus du gouvernement en place à Kaboul et des promesses occidentales se tournent vers l'ennemi d'hier. Et ce, même parmi les proches du vieillard...

À l'origine de l'album publié dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis, il y a un véritable documentaire, tourné pour la RTBF lors d'un voyage à Dasht-E-Galeh, le fief de Mamour Hasan. Apparaissant à la fois comme un making-off et comme un complément, cette bande dessinée témoigne d'une réalité qui force à réfléchir, tout en dépeignant bien la complexité de ce qui se passe aujourd'hui en Afghanistan.

Grâce à sa collaboration étroite avec Pascale Bourgaux, Vincent Zabus Les Ombres parvient à rendre le récit aussi vivant qu'interpellant et restitue au mieux les diverses tendances qui se font jour. Il ne manque pas non plus d'intégrer les réactions de la journaliste, ses étonnements, ses questionnements, lesquels permettent de cerner pleinement sa démarche comme de prendre la pleine mesure des changements opérés en une décennie. Chaque rencontre, chaque échange donne l'occasion aux différents protagonistes d'exposer leur point de vue, que ce soit avec retenue ou en étant plus engagés. Par ailleurs, si les hommes ont la part belle, la gente féminine, plus discrète, n'est pas en reste, laissant entrevoir le poids des traditions au-delà de l'aspiration à la modernité. Un dernier épisode, se déroulant dans la base de l'OTAN lors du retour vers la capitale, se révèle également marquant et éloquent quant à une certaine volonté d'obscurcir des points peu glorieux en filtrant les informations.

Soutenu par une colorisation lumineuse, le graphisme de Thomas Campi porte agréablement l'histoire. Le statisme des scènes est contrebalancé par l'expressivité des personnages, tandis que le découpage peu varié - généralement deux colonnes de quatre cases - se trouve ça et là ponctué par de rares dessins en pleine page. Il faut enfin noter que l'artiste a choisi de restituer quelques séquences filmées en bordant les vignettes concernées d'un cadre noir plus épais afin de bien rappeler le reportage d'origine.

Les larmes du seigneur afghan constitue un témoignage éclairant sur une situation des plus complexes dont le pays semble loin d'être sorti.

Moyenne des chroniqueurs
6.0