Blake et Mortimer (Les Aventures de) 19. La Malédiction des trente deniers…

L ire un Blake et Mortimer c'est comme regarder un vieux Columbo. Le méchant est connu avant même l'apparition du rôle titre. Le lecteur se plonge dans un univers douillet, très codifié, très premier degré, pour se laisser entrainer dans une énième variante de la même histoire d'aventure-espionnage où la science le dispute au mystique et au fantastique.

Lire un Blake et Mortimer c'est aussi très second degré. Surtout les œuvres sous licence. Le lecteur veille, tel le gardien du temple, à ce que les codes aient bien été respectés et l'œuvre de Jacobs préservée. Chaque album se doit d'être un hommage. Avec "La malédiction des trente deniers", ligne claire, récitatifs copieux, suspens en bas de page, caractères des personnages, tout est respecté jusqu'à cette courtoisie surannée et cette morale bien-pensante, un peu dame patronnesse, qui égrainent le récit. Les méchants sont vils et les bons droits dans leurs bottes. L'infâme Olrik est toujours infâme. Tout va bien.

Côté intrigue, Van Hamme louche cette fois du coté d'Indiana Jones : une relique biblique chargée de symboles et de présages risque de tomber dans les mains d'individus mal attentionnées qui espèrent ainsi devenir maîtres du monde. Étonnant de voir à quel point les scénaristes d'aventures occultes arrivent à renouveler leurs arguments, fussent-ils de plus en plus minces. Mais Van Hamme est un vieux routard, tout est mené de façon magistrale, sans temps mort. Il tire des ficelles grosses comme des câbles, avec deux trois passages en force à la limite du Deus Ex Machina. A la Charlier en quelque sorte. Seule concession à la modernisation de l'œuvre, les récitatifs allégés, moins pléthoriques et pléonasmiques qu'à l'accoutumée, rendent la lecture plus fluide.

Reste qu'au delà de l'album il y a l'histoire humaine qui sous-tend sa réalisation. René Sterne qui décède brutalement après avoir dessiné quelques planches, l'éditeur qui accepte que sa femme reprenne le pinceau malgré les retards prévisibles, le dur labeur de Chantal De Spiegeleer pour achever l'album et rendre la transition invisible, tout est raconté par Van Hammne dans une préface mélancolique qui nous fait aborder l'album avec bienveillance.

Moyenne des chroniqueurs
6.5