Inversion (Hulard/ Makyo) 1. Tome 1

L e jour, Jehn Zalko partage son temps entre le tir à l’arc et Lola, sa voisine de palier et maîtresse qui enseigne la littérature. Insomniaque, durant la nuit, il écrit. Ou du moins, il essaie. Car depuis quelques temps une grande fatigue le gagne et il est sujet à des visions, celles de batailles se déroulant dans un autre monde. Lorsque l’épuisement l’atteint, l’angoisse l’envahit et il perçoit comme une fracture qui s’opère en lui. Il se sent « double »…

Une énième histoire de double maléfique et de passages entre des univers qui s’ancrent sur la base du rêve et de la signification des cauchemars ? Pas totalement. Ce premier tome d’Inversion se démarque du déjà-vu par l’originalité de l’intrigue qu’il introduit et par l’aspect multidimensionnel de son accroche. En effet, quand Jehn Zalko s’endort, ses initiales s’inversent en effet de miroir et il devient Jalko Zehn, Prince du royaume d’Havona. Si les habitants le reconnaissent spontanément - et le redoutent – il n’en va pas de même pour lui, qui semble découvrir ce qui l’entoure. Lorsqu’il se réveille, la réalité de sa vie a changé et des actes graves lui sont reprochés dans l'univers contemporain. Le personnage principal ne comprend rien à ce qui se passe, le lecteur non plus, et ce, quelque soit le monde dans lequel il se trouve.

Plaçant son récit entre psychanalyse du rêve, schizophrénie, troubles dissociatifs, début de dépression, peur de la perte d’un être cher, syndrome de la page blanche de l’écrivain, intemporalité et thriller fantastique, Pierre Makyo introduit et entretient très habilement le mystère. Toutes les pistes sont plausibles, y compris celles qui ne sont pas listées. Une dichotomie, semblant s’être installée entre un réel journalier quelque peu neutre et ordinaire et un imaginaire nocturne flamboyant, pourrait même avoir servi de déclencheur aux événements ? Qui bouscule l’autre et transforme sa vie ? Et y a-t-il vraiment un autre ?

Le travail graphique de Jerry, nouveau venu dans le monde de la bande dessinée, et la mise en couleurs d’Irène Häfliger, sans être innovants, sont de très bonne facture et permettent d’identifier facilement les univers et les séquences. Foisonnant de détails, le royaume d’Hanova paraît vivant et chatoyant quand le dessin et la peinture du quotidien se font plus sobres.

Peu importe, pour l’instant, de savoir si nous « dormons » le jour ou bien la nuit, l'important est que notre niveau de vigilance reste suffisamment élevé pour nous permettre de lire la suite de cette trilogie.

Moyenne des chroniqueurs
7.0