Ava
E
n ces temps de Guerre froide, le cinéma hollywoodien est une arme, culturelle, pour les USA. Alors, "Le Plus Bel Animal du monde" (selon Cocteau !) sillonnera la planète pour faire la promotion de La Comtesse aux pieds nus, l’un des succès de l’année 1954 et l’une des plus belles références de sa filmographie. Première étape, une Amérique du Sud trop sensible aux sirènes du socialisme…
Avec Ava, Emilio Ruiz et Ana Mirallès signent un album hagiographique consacré à l’un des monstres du 7ème Art.
Pour tenter d’appréhender la diva de Caroline du Nord, le scénariste ibérique prend le parti de raconter son escapade de 48h à Rio de Janeiro en septembre 1954. Le pari est d’autant plus osé qu’il ne se passe pas vraiment grand-chose durant ces deux jours, s’il est fait exception des frasques d’une actrice prise dans une représentation qui cette fois-ci la dépasse et au cours de laquelle elle ne peut que se laisser porter. À bien y regarder, l’histoire servie ici ne digresse en rien à la légende, même si elle l'a (ré-)écrit quelque peu ! Ava Gardner y apparait dans toute sa maturité de comédienne et de femme ! Elle évolue dans une dimension parallèle faite d’illusions sur pellicule et se noie déjà dans l’alcoolisme mondain. Ce faisant, tout en exerçant une forme de fascination pour la manière quasi cinématographique de prendre la vie, cette parenthèse carioca cultive sa futilité sans permettre d’entrevoir la profondeur que d’aucuns lui prêtent. Ava Gardner était une vedette, un sex symbol, et savait jouer de l’une et l’autre facette... ne serait-ce que pour masquer ses contradictions comme ses faiblesses.
Cette ambivalence se retrouve dans le dessin d’Ana Mirallès toujours aussi élégant, mais qui oscille entre reprises à l'aquarelle de l’iconographie de l’époque et interprétation plus personnelles de l’égérie de la Metro-Goldwyn-Mayer avec quelques tonalités djinniques. Quoi qu’il en soit, il se dégage de l’ensemble une ambiance à l’unisson des nuits brésiliennes et de sa beauté féline, faite de sensualité, d’insouciante arrogance et de rythme.
Tout en nostalgie, Ava fait revivre – le temps d’une escale – des heures disparues et un mythe du box-office américain. La lecture en est plaisante et agréablement illustrée tout en entretenant une douce illusion, celle d’entrevoir, à travers la beauté de convenance, une personnalité plus en confidences !
6.0