Les navigateurs Les Navigateurs
C
ela fait vingt ans que Neige est partie. Lorsqu'elle revient à Paris, elle renoue avec ses amis d'enfance avant de disparaître subitement. La police conclut à un enlèvement et ne semble pas prendre l'affaire très au sérieux. Max n'en revient pas. Il sait pertinemment ce qu'il a vu et entendu. Arthur, Sébastien et lui décident de mener l'enquête. Ils n'imaginent pas une seule seconde ce qu'ils vont découvrir.
Le point de départ est classique. Serge Lehman et Stéphane de Caneva invitent les lecteurs à un jeu de piste qui glisse progressivement vers l'irrationnel. Dans une atmosphère surréaliste, l'imaginaire s'immisce insidieusement dans la réalité. D'indices en découvertes, les enquêteurs amateurs voient leurs certitudes vaciller. Le scénario brouille intelligemment les cartes, mêlant faits avérés, personnages réels et l'imaginaire le plus déroutant. Il est parfois difficile de définir quand le récit quitte le réalisme pour verser dans le fantastique. Il s'agit clairement de la marque d'un univers extrêmement bien construit. Le scénariste a déjà démontré son intérêt pour les mythologies urbaines, invoquant un bestiaire surprenant comme L'homme gribouillé ou certaines croyances qui sous-tendent Saint-Elme. De fait, Les navigateurs s'inscrit dans une démarche similaire, imaginant une mystique légendaire (et complètement inventée) qui est suffisamment bien étayée et construite pour que le lecteur puisse la trouver crédible.
Le but n'est pas d'imaginer une fausse tradition fantaisiste, mais plutôt d'élaborer à partir d un matériau existant pour progressivement faire émerger un monde de légendes païennes qui s'insinue dans un canevas réaliste. Mais pour faire de cette bande dessinée une réussite, il fallait aussi des personnages forts et complexes. De ce point de vue, le pari est également réussi. De fait, les fêlures intimes sont habilement exploitées pour nourrir les enjeux mythiques et apporter une profondeur bienvenue.
Il convient malgré tout de ne pas trop en dévoiler. Ce véritable page turner s'impose comme une incontestable réussite, multipliant les révélations jusqu'à la dernière page.
8.0