Trois touches de noir 1. Quelque chose de froid

E than Hedgeway s’est toujours montré loyal envers Frank Milano, parrain de la pègre de Cleveland. Traité injustement par son patron, il se sert dans la caisse. Le chef se venge en enlevant son épouse, avant de la lui retourner en morceaux. L’homme de main est de retour en Ohio où un tueur en série s’attaque aux habitants d’un bidonville, avant de les démembrer.

Philippe Pelaez a visiblement lu attentivement le cahier des charges du roman noir (comme en témoigne un excellent dossier de huit pages en fin d’album), avant de l'appliquer à Quelque chose de froid. À commencer par le protagoniste, un zig, droit et intègre pourchassé par le malheur, dont la vie part en vrille. Il est vrai que ses valeurs délinquantes ne font pas consensus, mais tout le monde a ses petits défauts et il a le mérite de respecter ses principes. Le scénariste tire d'ailleurs toutes les ficelles nécessaires pour le rendre attachant. Après tout, qui n’a pas d’empathie pour un veuf éploré?

Les rôles secondaires ne sont pas dénués d’intérêt, mention à Victoria Jordan, la pin-up cul-de-jatte (encore un corps morcelé, décidément), cette dernière se révèle la seule zone de lumière dans le quotidien de l'ex-forçat. Elle tiendra d’ailleurs lieu de fil conducteur entre les différents volets de la trilogie Trois touches de noir.

Personnage de l’ombre, le sociopathe ne laisse pas sa place. Dans ce scénario bien construit s'entremêlent les manœuvres du gangster et celles du tueur, le premier est fasciné par le second, lequel le trouve un peu embêtant. Le deux entreront forcément en collision. Reste à savoir quand et comment, car le qui se découvre finalement plutôt aisément.

Le texte prend la forme, assez classique pour ce genre littéraire, d’un mélange de monologues empreints de sagesse (version antisociale) avec en porte-à-faux des dialogues percutants, parfois teintés d’un brin d’ironie.

Le dessin d’Hugues Labiano est sombre de chez sombre. L’action se déroule essentiellement la nuit, et la sobre colorisation (noir avec quelques accents de bleu très foncé, sur fond crème) de Jérôme Maffre, accentue l'atmosphère poisseuse des bas-fonds de la ville du Midwest américain. Enfin, le dessinateur restitue à la perfection les décors et l’ambiance du cinéma des années 1940, les femmes sont jolies et les acteurs, systématiquement tirés à quatre épingles, ont des mâchoires carrées prêtes à encaisser tous les coups.

Un pastiche réussi. Comme c'est triste de penser qu’il ne reste plus que deux volets à cette série.

Moyenne des chroniqueurs
8.0