Pendragon (Le Gris/Dellac/Martinello) 1. L'Épée perdue

A u commencement, la terre d’Alba avait vu une guerre séculaire déchirer hommes et bêtes, jusqu’à ce que Pendraig Rû, le roi-dragon, l’emporte sur la horde des loups, armé de Calibùr et aidé par les aigles du dieu Lug. L’époque bénie qui lui avait succédé avait été balayée par l’arrivée des légions romaines semant le chaos. Depuis le départ de celles-ci, l’île reste déchirée entre clans rivaux, tandis que la religion d’une divinité unique se répand. Pour Merlin, héritier des vieilles croyances, il est primordial de rétablir la paix. Il a jeté son dévolu sur Arthur, un bâtard et chef d’une bande de mercenaires. Ce dernier combat pour le compte du roi Leodan et de sa fille Elwen, assiégés par Cadwell, seigneur de Caer Môr. Dans les Marches perdues, Nimue, prêtresse de Dimona, a reçu une vision montrant où gît l’épée sacrée, Calibùr. Un atout qui pourrait servir les desseins du mage, si l’homme choisi accepte la mission qu’il lui destine.

La légende arthurienne a été si souvent déclinée dans la littérature, au cinéma ou en bandes dessinées, et dans des genres tellement variés, qu’une nouvelle variation sur ce thème pourrait sembler superficielle. Pourtant, rien n’est de trop dans ce premier tome de Pendragon qui captive dès les premières pages. Reprenant l’idée que le roi Arthur aurait effectivement régné au Vème siècle, Jérôme Le Gris (Hawkmoon, Les âges perdus, Serpent Dieu), façonne une véritable épopée qu’il inscrit dans un contexte historique propice à l’émergence d’une figure d’exception. Le souffle épique se fait sentir dès les prémices, pour ne plus retomber.

S’ouvrant sur une lutte originelle et le haut fait d’un premier héros mythique d’Alba, le récit s’attache ensuite aux pas d’un Arthur trentenaire, meneur de troupes, mais dont les ambitions semblent restreintes. Au gré d’une narration fluide et maîtrisée, équilibrant action pure et dialogues éclaircissant les enjeux, il met en perspective les forces en présence, tant politiquement que religieusement, de même que les inimitiés et les liens unissant les différents clans. Les protagonistes, alliés ou ennemis en devenir, prennent place, tandis que les origines du futur Haut-Roi sont dévoilées afin d’éclairer ce qui le rend si spécial aux yeux de son mentor.

Pour donner vie à cette fresque, Benoît Dellac (Hawkmoon, Nottingham, La voie du glaive) et Paolo Martinello (Sacha Guitry, Conan le Cimmérien - La Maison aux trois bandits) ont conjugué leurs talents. Le résultat est à la hauteur et plonge le lecteur dans un monde sombre et sans merci, à l’image des temps troublés qui sont évoqués. Réaliste et suffisamment expressif, le trait invite dans l’intimité de feux de camp et de salles seigneuriales avec la même aisance qu’il campe des paysages à la nature sauvage ou des places fortes à l’allure imposante. La mise en couleurs est à l’unisson et participe à l’ambiance crépusculaire d’ensemble.

Avec L’épée perdue, les auteurs signent une belle réussite : celle de renouveler un mythe arthurien éculé. Rendez-vous est pris avec la suite d’un cycle annoncé en quatre volets.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0