L'escadron de Catherine de Médicis 1. La fille sage

E n 1563, à l’abri du château lyonnais de son grand-père, Gabrielle perçoit, de loin, les échos des luttes intestines entre catholiques et protestants qui déchirent le royaume. Âgée de quinze ans, l’adolescente rêveuse est férue de romans de chevalerie et intriguée par Catherine de Médicis, la régente tant décriée. Elle partage ses journées avec Justine, sa cousine au tempérament plus rebelle. Quand Gabrielle apprend que sa marraine souhaite la présenter à la reine douairière, elle s’en réjouit, contrairement à sa mère et à son amie. Devenue demoiselle d’honneur, la jeune fille va découvrir, de l’intérieur, les réalités de la cour et le pouvoir de la séduction.

Une décennie après avoir reçu le prix Raymond-Lambert avec son co-auteur Julien Lambert pour le projet Edwin, le voyage aux origines (paru chez le Lombard en 2014), Manon Textoris revient à la bande dessinée comme autrice complète. Cette fois, elle propose un diptyque qui se déroule à l’époque des guerres de religion et invite au cœur du mythique « escadron volant » de Catherine de Médicis, sujet de fantasmes et de médisances. Assurément bien documentée, la bédéiste brosse un tableau vivant et nuancé de cette cour française de la deuxième moitié du XVIe siècle, notamment de cette régente et de ses compagnes dont la réputation sulfureuse provient surtout de leurs adversaires. En postface, Jérémie Foa, maître de conférences en histoire moderne, éclaire justement le rôle de ces dames dans la politique d’apaisement de la reine.

Dans La fille sage, le lecteur fait la connaissance de Gabrielle que le destin va entrainer dans le cercle le plus proche du pouvoir. Découpé en trois chapitres et porté par une narration fluide, le récit est celui d’un apprentissage. Ainsi, l’héroïne va de choix en découvertes, chacune de ses décisions la conduisant un peu plus loin dans le chemin très étroit et balisé réservé aux femmes durant cette période. Les limites liées à la place imposée à ces dernières sont bien évoquées, notamment à travers les trajectoires opposées des deux cousines, Justine servant de contre-exemple. L’éveil de la féminité, les premiers émois, la volonté de s’affranchir d’une manière ou d’une autre, les espoirs nés de perspectives prometteuses s’inscrivent également dans le propos, avec beaucoup de justesse. Cette même authenticité se retrouve dans les échanges entre les protagonistes.

L’histoire est portée par un dessin soigné. D’emblée, la précision des décors et des costumes régale l’œil, tout en témoignant de l’application de Manon Textoris. En cela, la restitution historique est pleinement réussie. Peu appuyé, le trait se révèle délicat et suffisamment expressif pour rendre le panel des émotions de la galerie de personnages, tous bien caractérisés. Grâce à un découpage efficace et à une mise en scène variant adroitement angles de vue et cadrages, les planches affichent une bonne dynamique d’ensemble. Scènes intimistes et vues plus larges se succèdent adéquatement, invitant à profiter pleinement de cette escapade temporelle. La mise en couleur ne gâte rien ; sur le papier épais et mat, les nuances possèdent un côté un peu suranné appréciable qui colle à l’ambiance. Enfin, les têtes de chapitre, présentant chacune un texte d’époque (dont l’origine est indiquée en fin d’album), sont joliment enluminées et ajoutent une touche poétique.

De belle facture, ce premier tome de L’escadron de Catherine de Médicis s’avère une lecture des plus plaisantes et enrichissantes, en plus de démontrer le talent de son autrice. À découvrir.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0