Buck Danny « Origines » 2. Le fils du Viking noir

E n 1943, le Pacifique est l’autre théâtre de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis ne décolèrent pas de l’attaque de Pearl Harbor et se confrontent quotidiennement aux forces japonaises, sur mer ou dans les airs, pour un bout d’île, un espace aérien ou une encoche supplémentaire sur une carlingue. Le capitaine Buck Danny enchaîne les missions. Son adresse exemplaire n’en fait pas un surhomme. Dans une situation de domination numérique, il se fait descendre, déploie son parachute et est récupéré par l’équipage d’un torpedo boat. L’hydravion qui le ramène à Henderson Field est attaqué ; Buck Danny se distingue également comme mitrailleur. Lorsque le sommeil le gagne, quand le conflit lui laisse du répit, il se remémore : le cirque aérien qui passe près de chez lui, sa tentative de resquiller car il n’a pas l’argent pour se payer un billet d’entrée, son père Walt embauché par Scott en tant que mécano et, surtout, la belle Moira, superbe rousse et fille du patron.

Après les séries One shot , Classic et Histoires courtes, Dupuis lance Origines, dont le premier tome, Le Pilote à l’aile brisée, est sorti en janvier 2022. C’est le même tandem qui officie sur Le Fils du viking noir, à savoir Yann au scénario (à la bibliographie longue comme le bras) et Giuseppe De Luca (Black birds). Les suites, reprises et autres « enfances » ont donné naissance à des produits d'intérêt variable, des fidèles et des iconoclastes, de belles réussites et des torchons innommables, des œuvres pertinentes qui apportent quelque chose ou des albums transparents. La galaxie Buck Danny n’a pas à rougir des constellations qui s’y sont agrégées, la qualité a été au rendez-vous. Il en est de même pour la construction de l’adolescence du fameux capitaine. Le coup de maître narratif est d’entremêler trois temporalités, chacune avec son intrigue : 1943 et Guadalcanal, les années 30, au fin fonds de l’Amérique où un gosse reçoit la révélation du ciel et, enfin, le premier conflit mondial, auquel a participé Walt, qui lui revient en pleine figure de vilaine façon.

Entre continuité et parallélismes, rappels et regrets, renoncements et nostalgie, le récit de Yann passe d’une époque à l’autre sans nuire à la fluidité de la lecture. Par ailleurs, l’héroïsme n’est pas au cœur du propos. Il est ici davantage question de choix et de codes d’honneur. À la fleur de l’âge, Buck fait l’expérience douloureuse qu’amour et aviation sont incompatibles. Plus tard, il éprouvera le tiraillement entre un ordre à exécuter et le principe qui veut qu’on ne tire pas sur un soldat en parachute.

Ces tensions internes sont mises en image dans un subtil mélange d’Hubinon de la fin des années 40 et les canons actuels. C’était la meilleure option : la vitesse des avions et l’énergie des combats n’y perdent rien ; les moments plus calmes sont également mis en valeur par de jolis cadrages. La série a encore de beaux jours devant elle, pour le plus grand plaisir des amateurs.

Moyenne des chroniqueurs
7.0