Gone with the Wind 1. Gone with the wind

P rintemps 1861, tandis que les familles O'Hara et Winkles coulent des jours heureux à Tara et les Douze vents, leurs plantations de coton, au sud d'Atlanta en Géorgie, l'Amérique se déchire et la guerre de Sécession se dessine. Scarlett, fille des O'Hara, jeune, belle et au caractère bien trempé, a de nombreux prétendants, mais celui qu'elle aime ne semble pas sensible à ses charmes. Le jour où il annonce prendre pour épouse une de ses cousines, Melanie Hamilton, le petit monde de Scarlett s'effondre. Pourtant, la jeune fille n'est qu'au début de ses ennuis...

Fort de son Zorro (Don Vega paru en 2020 chez Dargaud), réussi et bien accueilli, Pierre Alary s'attaque à un autre monument de la culture populaire, Gone with the wind. Passée à la postérité grâce à l'adaptation cinématographique de Victor Fleming (1939), avec notamment Vivien Leigh et Clark Gable dans les premiers rôles, la création de Margaret Mitchell a marqué les esprits. La transposer pour le neuvième art est un véritable défi, mais le médium se prête parfaitement aux coupes nécessaires pour condenser neuf-cents pages. Pour l'occasion, l'artiste et son éditeur ont décidé de proposer un diptyque à l'écrin soigné : papier épais, dos toilé, signet, pages de garde travaillées et grand format qui, d'emblée, rendent l'objet imposant et classieux. Mais qu'en est-il du contenu ?

Reparti du roman, l'auteur a voulu s'émanciper du film pour créer sa vision, son rythme, son iconographie, son interprétation en somme. L'album conte, au travers du destin de Scarlett O'Hara et des personnages qu'elle croise, la fin d'un monde. Pour l'album exit les polémiques actuelles sur la représentation des Noirs et le racisme de l'époque. Pour Pierre Alary, si le contexte est évidemment condamnable et qu'il ne l'occulte pas, le propos n'est pas l'abolition de l'esclavage mais bien le passage d'une époque à une autre vu au travers des destins de ses deux têtes d'affiche.

À mesure que le conflit s'installe et gagne du terrain sur les terres qui l'ont vue naître, tomber amoureuse, se marier, devenir mère puis veuve, l'univers de la jeune héroïne bascule. Elle doit se prendre en main pour survivre. Cette force de caractère est parfaitement retranscrite, tout comme les ambiances, joyeuses au début, puis peu à peu rudes. Elles sont mises en valeur par une mise en couleurs étudiée, qui apporte une tonalité passée au récit ; sépia la plupart du temps, elle vire au ocre orangée lorsque le conflit atteint Atlanta. Si le choix de colorisation s'avère pertinent pour les ambiances, il l'est un peu moins pour différencier au premier coup d’œil les protagonistes. Cela ne ternit toutefois pas l'impression d'ensemble. Graphiquement notamment, l'auteur garde une belle constance et déploie son trait semi-réaliste caractéristique, en jouant d'un découpage en plans serrés pour mettre l'accent sur les émotions qui traversent ses personnages.

Pour le premier volume de son adaptation de Gone with the wind, Pierre Alary s'est donné les moyens de ses ambitions. Deux ans de travail pour cent trente-sept pages d'une belle maîtrise, dont le rythme et la tension tiennent en haleine jusqu'à l'ultime case. Rendez-vous est pris aux alentours de 2025 pour découvrir si Scarlett et Rhett se retrouveront et comment l'un comme l'autre auront évolué.

Moyenne des chroniqueurs
7.5