Le dernier quai

Émile est un majordome bienveillant d'un hôtel hors du commun. Et pour cause, les clients qui lui arrivent viennent de mourir ! En hôte de qualité, Émile les guide, puis les aide à se souvenir afin de se délester de la culpabilité qui les empêchent d’atteindre l'au-delà. Pour celles et ceux qui échouent à faire la paix avec eux-mêmes, ils rejoindront une forêt d'ombres en souffrance. La routine réglée au millimètre près du domestique se voit bousculée lorsqu'un trio arrive.

Cet album revisite l'idée du purgatoire avec poésie et tendresse, grâce au style graphique de son auteur. Les rondeurs des personnages apportent de la douceur dans les planches. Le trait délicat génère un certain envoûtement pour le lieu où se déroule l'histoire. Le découpage est admirablement réfléchi pour bien découvrir progressivement l'intrigue et son protagoniste principal. Chaque acte débute par une illustration pleine page des rails reliant le train à l'hôtel. Ce qui n'est pas sans rappeler le film d'animation Le Voyage de Chihiro , qui est une source d'inspiration visuelle pour cet album, que cela soit pour le decorum ou bien les ombres lorsqu'elles mutent. Le choix des couleurs et le soin apporté à celles-ci renforcent la sensation d'étrangeté ouatée, tant pour ce lieu hors du temps que pour les personnages dont on suit l'évolution.

Le scénario est construit avec minutie. Après un acte de présentation, permettant de rencontrer Émile dans sa mission, l'intrigue tourne ensuite vers les trois nouveaux clients. Progressivement, les lecteurs sont amenés à deviner qu'ils sont liés au majordome. Le jeu des flash-back est intelligent et savamment bien dosé pour dévoiler juste ce qu'il convient. Les différents personnages gagnent progressivement en profondeur, tout comme le récit, allant crescendo. La dernière partie tranche avec le reste. Le dénouement répond aux questions inspirées en cours de récit, en particulier la toute première de toutes, ce lien entre couverture et contenu.

Le dernier quai est un album touchant sur le poids de la culpabilité et le déni. Une vision de la mort empreinte de poésie, magnifiquement mise en images.

Moyenne des chroniqueurs
7.0