Sống

E n 1969, le Viêt Nam est coupé en deux, de part et d’autre du 17ème parallèle. Cela fait quatorze années que les États-Unis ont décidé de s’engager activement dans le conflit pour défendre l’administration du Sud. La guerre fait rage, surtout depuis la création, en 1960, du Front National de Libération (FNL), organisation révolutionnaire fondée pour mener la lutte armée. C’est dans ce contexte particulier que Linh, 16 ans, décide de quitter Bến Tre pour rejoindre le maquis, à la frontière cambodgienne, et y rencontrer son père pour la première fois.

Voici le début du témoignage que Hai-Anh recueille peu à peu auprès de sa mère. À travers son récit, il est évidemment question d’aborder les enjeux d’un conflit qui s’est enlisé pendant de longues années ainsi que le quotidien dans le maquis, rythmé par la crainte des avions en survol et la difficulté à se nourrir. Toutefois, il ne s’agit là que de l’une des facettes de ce brillant album. L’auteure développe également la relation particulière avec celle qu'elle appelle Me (maman en vietnamien), dont elle se sent si proche mais qui est parfois si loin, et l’importance de la transmission. Ayant grandi à Paris, la jeunesse de la scénariste aura été marquée par la force de l’attachement familial à son pays d’origine. Au point que sa mère n’aura jamais appris le français, malgré de longues années passées en France avant de retourner au Viêt Nam.

« Retourner au Viêt Nam » : voilà d’ailleurs une expression que Hai-Anh fait sienne lorsqu’elle explore ses origines et évoque ses séjours à près de 10 000 kilomètres de la France. Au fil de chacun des chapitres de Sống, le lecteur comprend ainsi progressivement ce que peut signifier, intimement, d’avoir deux pays et d’en embrasser conjointement les cultures.

Pour leur première publication, Hai-Anh et Pauline Guitton signent un album d’une impressionnante maturité, au trait épuré et d’une grande élégance. Deux auteures à suivre de près.

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Moyenne des chroniqueurs
8.0