Les futurs de Liu Cixin 8. Brouillage intégral

E st-il possible de stopper une guerre ? Si oui, à quel prix ? Ces deux questions sont l'épine dorsale de cette nouvelle adaptation d'une nouvelle de Liu Cixin : dans un avenir proche, la troisième guerre mondiale s'enlise. Les forces de l'OTAN tentent de déstabiliser le régime politique de la Russie. Le ministère de la défense décide d'une ultime stratégie pour renverser l'équilibre des forces : un brouillage de communication comme jamais vu, en recourant au vaisseau Vechnyy buran, piloté par Micha, le fils unique du plus haut gradé du pays.

Le récit peut surprendre les lecteurs, particulièrement parce que le rôle de "gentil" revient à l'armée russe. Avant tout procès de bienpensance et de cancel-culture, il convient de rappeler que l'auteur originel est un fer de lance de sa nation et se pose en rouage du soft power chinois. De ce fait, le regard sur le voisin du nord diverge grandement de celui des Européens, encore plus depuis la début de la guerre d'Ukraine. Alors qu'en penser ? Comme l'a fait remarquer Fausto Fasulo lors du "13-14" sur France Inter le jeudi 26 janvier 2023 : "Chaque auteur est un dictateur. Il fait des choix, il les assume et doit aller jusqu'au bout !" Cette réponse faisait suite à la lourdeur d'une question du présentateur qui cherchait à orienter le débat vers une polémique autour d'un autre auteur. Cixin ne fait jamais l'apologie de la guerre, c'est même l'inverse et le scénariste de cette adaptation l'a compris. Marko Stojanovic a su reprendre ce qui fait le sel du roman, afin de le transposer sur ce nouveau support. Un travail remarquable et réussi, puisqu'il parvient à séquencer une réflexion sur la guerre couplée à une histoire patriotique et familiale. De plus, il reprend l'idée de faire de la France un État médiateur dans ce conflit mondial. Néanmoins, le pays n'agit pas par humanisme mais dans l'objectif de redorer son blason et sa stature internationale de puissance moyenne. En plus de la guerre, un autre thème est fortement présent : les liens familiaux. Ces derniers ont structuré les protagonistes principaux et se sont parfois heurtés au nationalisme.

Les dessins de Maza collent parfaitement à l'ambiance d'enlisement, présent dans les trois quarts de l'album. Il parvient même à proposer plusieurs triptyques impressionnants, intervenant à des moments forts de la progression de l'histoire. Les trois dernières planches sont proprement déchirantes.

Brouillage intégral est une bonne histoire d'anticipation, qui fait malheureusement écho à l'actualité. Ceci n'étant en rien la volonté des auteurs, qui sont impuissants face aux stratégies et aux ambitions des décideurs.

Moyenne des chroniqueurs
7.0