A Short Story - La Véritable histoire du Dahlia Noir

J anvier 1947, le corps d’Elizabeth Short, 22 ans, est retrouvé dans un terrain vague de Los Angeles. Trois quarts de siècle plus tard, le mystère demeure entier. Dans les années 1980, James Ellroy a écrit un polar sur cette affaire, Brian de Palma en a, par la suite, tiré un film ; Matz, David Fincher et Miles Hyman ont, pour leur part, adapté le roman dans une bande dessinée très réussie, publiée dans la collection Rivages/Casterman/Noir. La proposition de RUN et Florent Maudoux s'éloigne de la trame policière.

A Short Story, La véritable histoire du dahlia noir raconte les derniers mois d’une jolie femme venue faire carrière à Hollywood. Paumée et désargentée, elle s’accroche à tout un chacun. La dame est allumeuse, manipulatrice et menteuse compulsive. Elle attire la compassion des uns et provoque l’irritation des autres. L’actrice ratée se montre paranoïaque, mais objectivement, rien ne porte à croire que sa vie soit menacée.

L’auteur ne cherche pas vraiment à résoudre l’énigme. Il tente plutôt de comprendre la mythomane. Pour y arriver, il réalise un minutieux travail d’enquête. Le résultat se révèle impressionnant, comme l’illustre l’imposant dossier (près de la moitié de l’album) constitué de photos, d’extraits de rapports, de coupures de presse, de courriels, etc. Ces contenus apparaissent parfois lourds ; comme ils se veulent accessoires, il est tentant, et légitime, de les survoler et de s’en tenir à la narration.

Le portrait de la désœuvrée est touchant. Ses difficultés, fondamentalement banales, ressemblent à celles de milliers de jeunes au rêve brisé. Le scénariste démontre son habileté en maintenant l’intérêt pour un récit dont la conclusion est connue. Il présente le quotidien d’une personne pas très sympathique et à l’éthique douteuse, sans pour cela être vraiment méchante. Le lecteur la prend en pitié, il analyse ses interactions avec les gens et essaie, lui aussi, de découvrir les raisons de son châtiment.

Le scénario est porté par le dessin réaliste de l’illustrateur de Freaks’Squeele. Ses acteurs jouent juste ; l’artiste rend particulièrement bien le regard triste et désemparé de sa protagoniste, de même que l’incompréhension, la déception, voire la colère, de ses interlocuteurs. La présentation de la cité des anges des années 1940 convainc et les décors sont toujours remplis. Enfin, la colorisation reposant sur des teintes pastel donne à l’ensemble l’allure d’une agréable vieille production cinématographique.

Comme toujours, Label 619 fait du bon boulot : reliure toilée et papier mat d’excellente qualité ; le choix du support contribue d’ailleurs à atténuer l’éclat des couleurs. Il est à noter que le livre est également proposé en noir et blanc.

Un projet en deux temps : d’abord la critique du rêve américain vu à travers le tragique destin d’une fabulatrice, puis la rigoureuse reconstitution des événements conduisant à sa perte. Le bédéphile qui ne souhaite pas s’empêtrer dans les détails peut fort bien se contenter de jeter un coup d’œil rapide à la documentation.

Moyenne des chroniqueurs
7.5