Slava (Gomont) 1. Après la chute

D eux hommes se tiennent devant un riche édifice. S'assurant qu'il n'y a pas âme qui vive à l'intérieur, ils pénètrent dans le bâtiment impressionnant de splendeur. Que vont-ils pouvoir embarquer parmi toutes ces œuvres d'art ? Le duo est formé de pilleurs de trésors, de vestiges passés de la gloire du communisme car à présent, avec l'arrivée du capitalisme, toute chose s'achète et se vend . Dimitri Lavrine, pro du marché noir, et son acolyte Slava Segalov, prennent ensuite la route, satisfaits de leur récolte fructueuse. Cependant, dans le rétroviseur, ils constatent avec anxiété qu'ils sont suivis…

Pierre-Henry Gomont évoque ici la Russie des années quatre-vingt-dix. Grâce à un très bon texte -voix off & dialogues- , le scénariste capte aisément l'attention du lecteur. D'autant que l'intrigue possède ce qu'il faut de dynamisme et de burlesque pour satisfaire le fan, heureux de retrouver l'auteur talentueux de Pereira prétend et de Malaterre. Comme à l'accoutumée, les personnages sont bien construits et suscitent l'intérêt rapidement. Slava se révèle une manière originale d'exposer une période maintes fois abordée en bande dessinée. Les splendeurs et le patrimoine qui s'éparpillent aux quatre vents, la poudre au yeux des dirigeants. À l'occasion de flashbacks, le passé rouge du pays se dévoile, dans ses contradictions et ses mensonges. C'est le pot de fer contre le pot de terre, les profiteurs versus les travailleurs. La galerie de portraits illustre les comportements face aux situations

Avec son style caricatural, l'artiste instaure ce petit côté humoristique qui lui permet selon son souhait, de « traiter un sujet grave avec ce qu'il a pu de légèreté ». Les onomatopées - en couleur pour plus d'expressivité - deviennent des éléments du décor, les bulles se déforment, bondissent, serpentent ou encore jouent à remplacer des mots par des dessins, tels des métaphores visuelles. Et n'oublions pas les silhouettes qui deviennent de drôles de corps élastiques. Ces quelques idées font parties des belles trouvailles qui émaillent les planches aux dominantes d'orange et de bleu. Le trait vif et nerveux, ainsi que la mise en scène inventive font de l'ouvrage un pur plaisir de lecture.

Dans la lignée de son précédent ouvrage La fuite du cerveau, Pierre-Henry Gomont propose une fiction savoureuse et haletante inspirée de l'Histoire. Une vraie réussite, tant graphique que scénaristique (trois tomes prévus).