Les carnets de Charlie

D essinateur judiciaire, Benoit Peyrucq est accrédité pour couvrir le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper cacher. Il y observe des hommes et des femmes accusés d’avoir collaboré à l’assassinat de polémistes qui s’exprimaient, eux aussi, avec leurs pinceaux. Profitant d’une perspective exceptionnelle sur la procédure, son travail est vendu à la presse française et étrangère. Le journaliste a réuni une partie de sa production dans Les Carnets de Charlie ; au fil des pages, il présente avocats, juge, jurys, greffiers, cadreurs (étant donné son importance historique, la cause est filmée, ce qui est rare) et même ses confrères.

Le livre est essentiellement constitué d’images accompagnées des mises en contexte du chercheur Antoine Mégie. Ces notes, généralement brèves, sont toujours éclairantes. L’observateur commente également la pratique de l’artiste, notamment la difficulté de transposer certains épisodes et la fatigue accumulée au terme d’un marathon de dix semaines.

Souvent réalisées dans l’urgence, les illustrations vont du simple premier jet au portrait achevé mis en couleurs sur place. En quelques minutes, le physionomiste rend compte d’une ambiance ou une émotion… malgré les masques et les écrans (puisque la COVID sévit). L’éditeur a retenu des dessins captés à différentes étapes de leur réalisation et s’assure ainsi que l’album affiche l’authenticité d’un cahier de croquis où la figure peaufinée côtoie l’ébauche non aboutie.

Une représentation n’est jamais neutre. Pendant un interrogatoire d’une heure, il se passe beaucoup de choses, mais un seul moment, fugace, sera consigné : Les bras croisés en signe de fermeture ? Le dos vouté traduisant l’abattement ? Le regard franc et arrogant? Le représentant des médias a la responsabilité d’effectuer un choix et de déterminer l’image reprise par les journaux et les bulletins de nouvelles du lendemain. Neutralité journalistique oblige, son point de vue ne transparaît jamais.

Une vision, de l’intérieur, d’un procès historique se déroulant sur fond de pandémie.

Moyenne des chroniqueurs
6.0