ReV

P our sa première connexion, Gladys est quelque peu perdue. Lorsque votre expérience du numérique se limite à jouer à Tetris, une psymulation a de quoi déconcerter. Mais Mr_iO se propose de l’accompagner lors de ses débuts : premier niveau… prendre le train !

Parler de virtualité en bande dessinée est un exercice périlleux sur lequel certaines semblent pourtant exceller telle Anna Mill avec Square Eye ou plus récemment Léa Murawiec sur Le Grand vide. Pour l’occasion Edouard Cour se lance à son tour avec, également, une forme de brio qui laisse quelque peu admiratif.

Dès la première planche le ton est donné. Comment matérialiser, sur papier, l’algorithmie des rêves ? Par quelles allégories graphiques rendre compte de la mouvance de la psyché et de la complexité des univers numérisés ? Pour cela, il convient de mettre au service d’une imagination des plus débridée un solide savoir-faire technique, et il faut reconnaître qu’Edouard Cour possède l’une et maitrise l’autre. Esquisse, tramé ou traits nerveux, design épuré ou foisonnant, dessin stylisé ou réaliste, profusion de couleurs, bichromie ou noir & blanc, mise en page déstructurée ou plus classiques, lecture verticale ou labyrinthique… toute la technicité acquises sur les bancs de l'École d’Arts Plastiques de Paris ou de l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans est mobilisée pour traduire un monde aussi complexe que personnel. Toutefois, la virtuosité n’a de sens que dans l’émotion et c’est tout l’art d’un bon scénario de la créer. Pour ce faire le propos du jeune auteur est à l’unisson des rêveries de son héroïne ! Jonglant avec le concept de monomythe développé dans les années quarante par le mythologue américain Joseph Campbell, Rev explore les méandres de l’onirisme à travers une application informatique. En cela, chaque simulation s’avère être une quête individuelle, une partie unique, mais à la trame universelle dont l’achèvement ne peut être que la connaissance soi par le biais de ses souvenirs, de détails qui débouchent sur une cascade d’histoires gigognes sans queue ni tête, de mythes anciens ou d’obsessions récurrentes.

Véritable mise en abime pour qui se laisserait aller au jeu de cette pseudo-simulation, Rev est un album d’une richesse et d’une inventivité déconcertantes qui laisse à supposer que le meilleur reste, probablement, à venir…

Moyenne des chroniqueurs
8.0