Les 5 Terres 8. « Plus morte que morte »

R ien ne va plus dans les bas-fonds d’Alysandra, capitale de Lys ! Son héritière violemment mise au tapis, le clan du Sistre entreprend de débusquer les membres du Coucal pour se venger. Mais le temps court et pourrait lui être fatal. Aux aguets, l’inflexible commissaire Shin Taku l’est aussi dans son enquête sur le meurtre d’une militaire. De son côté, Thori, la cuisinière, ne voit qu’une issue face aux jours qui filent : remonter sur le ring et gagner de quoi payer les remèdes de son fils. Décidée à rattraper les années perdues à Angleon, la princesse Keona entreprend, quant à elle, de s’immerger dans les affaires du royaume. Loin de là, Otsue et Teruo, les apprentis archéologues, affrontent seuls la jungle, tandis que Kauri, l'âme pêcheuse, paie le prix de sa distraction.

Après un premier cycle aux qualités narrative et graphique indéniables, l’ouverture du deuxième arc des 5 Terres était attendue avec son lot d’espoirs et de craintes. Paru en novembre 2021, L’heure du cadeau avait eu la difficile tâche d’en planter le décor et d’en présenter les nombreux protagonistes. Hormis Keona, ancienne otage des lions, tout était neuf. Malgré une découverte plaisante du monde des primates, repartir de zéro avait, en quelque sorte, rompu le rythme et demandé une familiarisation avec les lieux, les acteurs et la trame. Plus morte que morte poursuit sur la lancée, en augmentant le niveau.

Tricéphale, Lewelyn maîtrise parfaitement un récit qui plonge dans une autre pratique du pouvoir et les luttes qu’elle entretient. Il invite à une guerre des gangs qui rappelle les meilleures productions du genre. La montée en puissance dans la course menée par la famille du Sistre contre les tenants du Coucal maintient la tension tout au long de l’album. Les autres intervenants ne sont pas en reste. S’ils mènent chacun leurs affaires de leur côté, il semble prévisible que ces dernières finiront par interférer les unes avec les autres. En attendant, cette exploration et cette exploitation de toutes les strates de la société confèrent de la substance à l’intrigue. Il s’agit là d’un des points les plus positifs de cette saga. Par ailleurs, des pauses plus intimistes permettent de mieux cerner certains protagonistes, en fournissant aussi des informations précieuses sur leur passé ou leurs aspirations. En outre, bien qu’Alissa – figure éminente de l’opus précédent – soit peu visible, ses apparitions n’en sont pas moins chargées de signification.

Jérôme Lereculey, au dessin, et Dimitris Martinos, aux couleurs, offrent encore une fois des planches de belle facture. Grâce à leur travail conjoint, Alysandra se dévoile dans les splendeurs de son palais royal et jusqu’aux recoins les plus sombres de ses ruelles sordides. Son cachet asiatisant se retrouve partout, des monuments aux costumes. Chaque acteur est parfaitement identifiable et la galerie présentée en gardes assure de toujours s’y retrouver. Le découpage se révèle efficace autant que dynamique. Les cadrages varient les points de vue pour renforcer le propos et l’action. Au cœur de l’album, huit bandes horizontales – quatre par page – résument remarquablement le temps qui passe et l’état d’esprit de ceux qui y sont représentés. Enfin, comme dans les opus précédents, les auteurs proposent de s’arrêter sur un point particulier : ici, l’histoire du Sistre.

S'il fallait balayer des doutes, Plus morte que morte le fait, assurément. Qualité et suspense étant au rendez-vous, le voyage à Lys ne le cède guère à celui en Angleon. Vivement la suite !

Découvrir l'exposition virtuelle sur le deuxième cycle de Les 5 Terres.

Moyenne des chroniqueurs
7.0