KiloMètre Zéro 3. Un monde nouveau

A lsace, 1839. Le tronçon de chemin de fer entre Mulhouse à Thann est maintenant complété. La véritable ambition de Nicolas Koechlin demeure toutefois de relier Strasbourg à Bâle, en Suisse, avant de poser ses rails en direction des ports de la Méditerranée, portes de l’Orient. L’homme ne cherche pas la gloire ou la fortune, en fait, il frise la faillite.

Dans cet album se lisent en creux les enjeux du siècle à venir. Le titre de ce troisième tome, Un monde nouveau, est à cet égard fort bien choisi. Stéphane Piatzszek y discute notamment d’émancipation des femmes, des droits des travailleurs et de la montée du quatrième pouvoir. Bien que le projet soit ambitieux, le scénariste en tire un récit fluide et plaisant. Le propos se veut également celui de la passation des commandes d’une génération à l’autre, laquelle n’est pas sans heurter les sensibilités

L’auteur fait porter ces questions par une poignée de personnages, parfois archétypaux, quoique généralement attachants. D’abord les enfants du patriarche : Léo, l’héritier naturel, Ferdinand, qui attend patiemment son tour et, surtout, Salomé la journaliste libre-penseuse. En contrepoint, les frères Doomi et Fink, d’extraction modeste, ils tentent de défier leurs destins ; le premier en devenant chauffeur de locomotive, le second en s’affirmant comme peintre. Le microcosme industriel alsacien, où riches et pauvres se côtoient, rappelle la saga des Rougon-Macquart. Comme chez Émile Zola, certains protagonistes mériteraient un livre, notamment le cadet, dont le coup de pinceau évoque celui de Matisse.

Le dessin semi-réaliste de Florent Brossard se montre agréable. Ses jeux d’ombre et ses clairs-obscurs sont particulièrement bien servis par un trait charbonneux. Ses acteurs apparaissent expressifs et jouent toujours juste. Les décors sont souvent sommaires, cela dit certaines vignettes proposent de belles évocations du village et de la campagne environnante.

L’illustrateur semble vouer une affection particulière au jeune artiste. Sans être essentiel à la narration, ce dernier se révèle omniprésent. Le bédéiste le représente fréquemment dans des cases muettes semblables à des tableaux aux accents impressionnistes.

Une bande dessinée fascinante, où la petite histoire tutoie la grande. Il aurait toutefois été intéressant de présenter une postface racontant la conclusion de cette épopée ferroviaire dans l’Est de l’Hexagone.

Moyenne des chroniqueurs
7.0