Movie ghosts 1. Sunset, et au-delà

J erry Fifth est détective privé à Los Angeles. Comme tous ses confrères, il traque les amants, retrace les enfants illégitimes et cherche les personnes disparues. Rien de bien exceptionnel. Il a toutefois un talent méconnu : il communique avec les célébrités mortes. Bien qu’elles demeurent dans un monde parallèle, elles confient au privé des missions dans le réel. Les âmes souhaitent alors soulager leur conscience, retrouver la passion ou réécrire des passages peu glorieux de leur vie.

L’enquêteur constitue une figure galvaudée à laquelle est généralement associé un tas de clichés (mal de vivre, solitude, whisky, cigarette, etc.). Dans Movie Ghosts, le personnage créé par le prolifique Stephen Desberg (qui a maintes fois fait ses preuves en matière d’énigmes, par exemple dans La Vache, Mic Mac Adam ou encore Tif et Tondu) est tout cela. La touche de fantastique ajoute toutefois une dimension inusitée alors que deux réalités habituellement distinctes trouvent un point d’interconnexion.

L’album s’articule autour de trois anecdotes d’intérêt inégal. Une première, plutôt linéaire, permet d’établir le profil du protagoniste ; une seconde explore une avenue inattendue et creuse davantage sa psychologie. Le récit prend toute son ampleur dans la troisième histoire, laquelle aborde le maccarthysme, une chasse aux sorcières ciblant les communistes qui a ébranlé Hollywood au début des années 1950.

Au-delà de la trame policière, le projet propose une réflexion sur le souvenir et le pouvoir. Issus d’un univers où ils maîtrisaient le narratif (à l’écran et dans leur vie), les défunts ne sont plus que les spectateurs de ce qui reste d’eux dans la mémoire collective. Grâce au don du limier, ils ont enfin la chance d’apporter des retouches à leur légende et de contrôler ce que la postérité retiendra d’eux.

Avec son trait réaliste, Attila Futaki (Hypnos, Le tatoueur, L’ange de Budapest) adapte en images le scénario, un peu comme s’il s’agissait d’un polar tourné au milieu du XXe siècle. Le héros respire l’assurance, ses clientes apparaissent magnifiques et les bagnoles obèses. Chaque séquence est composée d’une multitude de plans très brefs, agencés de façon à créer des planches aux compositions toujours surprenantes. Reposant sur des teintes foncées, la mise en couleurs, sobre et sombre, est en adéquation avec le propos.

Une excellente idée. Reste à voir comment tout cela se conclura dans le deuxième tome.

Moyenne des chroniqueurs
6.5