Les mapmakers 1. Et la magie oubliée

L es Manteaux Noirs règnent en despotes sur Alden, une bourgade campagnarde, entourée de forêts, dont l’activité économique principale est liée à une carrière de briques. Alidade Rose et Lewis Briar, des adolescents rêveurs et aventureux, sont amis. Un jour, une de leurs promenades se transforme en escapade et enfreint une interdiction majeure du pouvoir en place : ne jamais dépasser les limites de la ville. Surpris par la soldatesque locale, ils sont reconduits manu militari dans leurs familles respectives, sous l’autorité de Constable Atwater, cheffe du territoire. La menace pèse sur les voisins, voire sur toute la population de la ville, d’être collectivement punis pour l’infraction des deux espiègles. Personne ne doit même penser au « monde du dehors » ; il est préférable de s’adonner au quilting, innocente activité de couture de réalisation de patchworks. Mais c’est compter sans l’effronterie d’Alidade. Au cours d’une fugue nocturne, elle aperçoit une poignée de porte sur un tronc d’arbre. La jeune fille passe de l’autre côté et se retrouve prisonnière d’un refuge, dans lequel elle découvre une vieille carte poussiéreuse, dont surgit Blue, un Memri, volatile doté de la parole, qui s’enquiert, avec inquiétude, des Mapmakers.

Les Mapmakers et la magie oubliée est signé par Cameron Chittock et Amanda Castillo, respectivement scénariste et dessinatrice, tous deux Américains et réalisant leurs premiers pas dans l’univers du roman graphique. Le récit est prévu en trois volumes. Chittock s’octroie donc le temps et le rythme nécessaire pour installer la situation initiale, sans précipitation et sans à-coups. Ainsi, les fondations de cette histoire riche sont posées en toute fluidité, favorisant ainsi une réelle immersion. Destinée avant tout à un lectorat jeune, l’histoire convoque des éléments merveilleux, historiques et dramatiques, dans un équilibre maîtrisé, le tout saupoudré d’éléments comiques de bon aloi. Le duo Alidade-Lewis reprend le classique contraste entre l’individu téméraire et pétillant, et son compère peureux et lâche. L’animal fantastique, sorte de Yoda réincarné dans un phénix, sert de guide spirituel et de professeur, parfois désespéré par les piètres progrès de ses ouailles.

Le graphisme de Castillo puise clairement sa source dans l’esthétique Manga, dans laquelle elle a grandi et dont elle reprend la clarté de la ligne, la simplicité des décors, l’économie des accessoires et les wide open eyes. Néanmoins, le contexte est celui d’un territoire d’Amérique du Nord à la temporalité indéfinie. De l’univers dessiné japonais à Alice de Lewis Caroll, ce récit universel, derrière une fantaisie fraîche et prenante, aborde avec subtilité des thèmes graves, tels que l’oppression, l’engagement et la nécessaire harmonie entre l’humanité et la nature. Les Mapmakers et la magie oubliée saura ravir les pré-adolescents, mais leurs parents pourront aussi le lire à la dérobée, sans perdre leur temps.

Moyenne des chroniqueurs
7.0