Chez Adolf 3. 1943

A dolf Böecklin est propriétaire du bistrot Chez Adolf. Au-dessus, quelques logements avec, parmi les occupants, Karl Steig, un enseignant depuis peu promu directeur de son collège. Sans grande conviction, le professeur a adhéré au parti. En 1943, la guerre se fait lourde. Les fils sont tués au combat, les maris sont de retour du front sans avoir toute leur tête et la ville subit les bombardements. Les locataires se souviennent de leurs amis, des gens charmants, mais juifs, partis on ne sait où. Les langues se délient prudemment. À mots couverts, certains laissent entendre que ça ne peut plus durer et souhaitent la mort d’Hitler ; d’autres défient l’autorité en cachant des fuyards.

Dans Chez Adolf, Rodolf relate le quotidien de femmes et d’hommes ordinaires. Les deux premiers opus (1933 et 1939) décrivaient leur passivité et leur naïveté devant la montée du Führer, alors que ce troisième, 1943, les présente plus lucides. À travers une série d’événements en apparence anodins, l’auteur les montre critiques et les révèle prêts à prendre certains risques. Ils ne sont pas vraiment courageux et audacieux ; toutefois, quand les circonstances le commandent, leur sens moral l’emporte. Le scénariste raconte ainsi, avec sensibilité et compassion, la petite histoire, celle qui, dissimulée derrière la grande, ne figure pas dans les manuels.

Fil conducteur ou mise en abyme, une mendiante revient périodiquement chanter Lili Marlène : « Quand le brouillard enfin se lèvera, je serai là, debout sous la lanterne. »

Le trait réaliste de Ramon Marcos convient bien au projet. Très sobre, il suggère davantage qu’il n’illustre le drame. Certes, l’artiste dessine des immeubles en flammes ; c’est cependant en dépeignant quelques dizaines de personnes cachées dans une cave qu’il traduit véritablement l’angoisse vécue pendant les attaques. La direction des acteurs favorise un jeu tout en retenue, lequel apparaît particulièrement juste et efficace.

Un joli scénario, où le conflit est abordé par le petit bout de la lorgnette, depuis un point de vue allemand. Il est difficile de ne pas tracer de parallèle avec l’invasion de l’Ukraine par les Russes. Le propos profondément humaniste rappelle qu’au-delà des despotes, il y a les gens et qu’ils ne sont pas tous moches.

Moyenne des chroniqueurs
7.0