Crossover 1. Kids Love Chains

E t si la réalité, ce n'était pas vous, mais eux ? Comment dire… Imaginez que tous les super-héros que vous connaissez de vos lectures débarquent sur Terre, genre, pour de vrai quoi, - par exemple à Denvers - et fassent un bordel pas possible à vouloir se mettre dessus les uns sur les autres. À tel point qu'il faille les contenir sous un dôme de force. Le onze janvier deux mille dix-sept, c'est arrivé. Et cela s'appelle le Crossover.

L'idée de cette série est venue à Donny Cates (Redneck, God country) après avoir échappé à la mort pour la seconde fois (« célébrer ce qu'il aimait "). Il s'est rappelé qu'enfant, il était plus qu'heureux quand il entrait dans un «comic shop». Alors tadam ! , il a imaginé que ses idoles pourraient apparaitre en chair et en os. Dès les premières pages, le scénariste prend le rôle du narrateur et développe cette réflexion (assez égocentrique parfois en faisant de la pub pour ses autres ouvrages) autour de l'existence réelle et fictive des personnages iconiques. Il complète cette ambition en abordant le puritanisme américain persistant et l'engouement autour de la bande dessinée. Entre amalgames, peur et crimes haineux, l'exercice s'avère complexe et pas forcément traité le plus subtilement, mais cela permet de dresser un parallèle pertinent autour du traumatisme et de l'opinion publique qui s'en trouve trop souvent radicalisée, ainsi que la censure et le fanatisme qui en découlent. L'intrigue finit malheureusement par se délayer au profit d'un schéma traditionnel qui repose sur de l'action, des rebondissements multiples et l'apparition d'autres personnages pas forcément intéressants. Cependant le lecteur ressent bien le plaisir de l'auteur à vouloir transmettre sa passion et ses idées.

Geoff Shaw a déjà travaillé avec Donny Cates pour Buzzkill et The Paybacks. Son graphisme est d'excellente facture : un trait réaliste d'épaisseurs différentes avec un aspect «rough» qui accorde de la texture et de la densité. Le découpage et les cadrages sont travaillés afin de dynamiser les scènes mouvementées, ca se lit tout seul. L'artiste a su instaurer la brillante ambiance du scénario sans jamais tomber dans la simple démonstration de force. Il est important de signaler l'apport des couleurs de Dee Cunniffe, ternes dans le monde réel, éclatantes à l'intérieur de la voute ; les trames d'impressions (pointillés) étant laissées apparentes pour différencier les personnages.

Malgré un côté foutraque et déjanté, ce tome maintient l'intérêt par l'originalité du sujet et l'axe de réflexion proposé. Donny Cates a peut-être été trop ambitieux, mais sa générosité et son enthousiasme communicatifs font qu'il est pardonné.

Moyenne des chroniqueurs
6.0