Look back

D essiner n’est qu’un passe-temps pour Fujino. Si elle prend plaisir à publier ses saynètes comiques dans le journal de son école primaire et à récolter les compliments, elle ne voit pas l’intérêt d'en faire une véritable activité plus tard. Cependant, l’arrivée des œuvres d’une nouvelle condisciple dans la rubrique manga la fait dégringoler de son piédestal. Piquée au vif, Fujino entreprend d’améliorer sa technique pour égaler, sinon dépasser cette Kyômoto constamment recluse dans sa chambre. Une rencontre entre les adolescentes va faire basculer la jalousie admirative vers la complémentarité amicale.

Auteur des remarqués Fire punch et Chainsaw Man, Tatsuki Fujimoto a récemment vu son œuvre faire l’objet d’une exposition lors de la vingt-deuxième édition du Festival International de la Bande Dessinée à Angoulême. Sa dernière production, Look back a déjà reçu plusieurs prix au Japon, après une parution en ligne sur le site de Shōnen Jump+ en 2021. La publication en France de ce one-shot était donc attendue des aficionados. Autant le dire, ces espoirs potentiels pourront être déçus chez certains. Le format est court : cent quarante-quatre pages « seulement » et le coût d’achat risque dès lors de paraître exagéré. Mais, s’attarder à ce constat ferait passer à côté des qualités de cette histoire ancrée dans la vie courante et tranchant avec les précédents titres du mangaka.

D’abord, la construction narrative vaut la peine de s’y pencher. Débutant alors que les héroïnes ne sont que des écolières, le récit se poursuit au fil des années, en s’arrêtant sur quelques séquences-clés de cette relation et des progrès de chacune. Puis, une fracture intervient, qui entraîne dans une possibilité divergente éclairant les choses sous un autre jour. Cette partie pourra sembler artificielle ou trop longue. Toutefois, elle souligne l’importance des choix et le bénéfice qui surgit des influences positives nées du challenge et de l’amitié. Elle répond également à cette tentation que chacun connait un jour : celle de « Et si tout s’était passé différemment ? ». La conclusion, apaisée, rappelle que la vie continue en toutes circonstances.

Par ailleurs, cette histoire, peut-être teintée d’une pointe d’autobiographie, tient son intérêt à la manière dont Tatsuki Fujimoto aborde la réalité du travail acharné de l’artiste – ici, en herbe. En effet, il restitue assez bien la nécessité de s’entraîner constamment pour progresser par le biais d’une juxtaposition de cases presque identiques montrant ses personnages en plein processus créatif. Le cadrage se répète et seuls quelques éléments varient (décors, vêtements, coupe de cheveux), démontrant le passage du temps. Ces scènes muettes en disent souvent plus que les dialogues moins travaillés et créent une atmosphère singulière. Il est néanmoins dommage que, par moments, le dessin paraisse moins abouti et qu’il soit difficile de vraiment s’attacher aux protagonistes .

À la fois léger et grave, Look black constitue une lecture plaisante à laquelle il manque ce petit quelque chose qui lui permettrait de faire pleinement vibrer.

Moyenne des chroniqueurs
6.0