Gabriel

G abriel semble être un jeune homme comme les autres. Cet étudiant aux beaux-arts aime faire la fête, ne crache pas sur un petit joint de temps en temps... Rien que de très banal. Mais il lui arrive de surprendre des silhouettes qui paraissent le surveiller. Il saisit des bribes de conversations qui le concernent, sans qu'il puisse distinguer d'où elles proviennent.

Il souffre de schizophrénie.

Lorsque les symptômes empirent, il est pris en charge par les services psychiatriques et commence pour lui une lente descente aux enfers, à jongler entre des traitements qui le soulagent mais l'assomment ou essayer de gérer lui-même ses hallucinations, quitte à basculer.

La maladie mentale reste un sujet délicat. Elle reste rarement abordée dans la bande dessinée, ou simplement comme un alibi pour une intrigue et pas pour ce qu'elle est fondamentalement. L'auteur, Emmanuel Temps, dont c'est le premier livre, tente de décrire les mécanismes destructeurs qui sont à l’œuvre et de les raconter par l'intermédiaire de celui qui en souffre : son frère aîné. Au fil des pages, il décrit les carences du système de santé. Obtenir un bon traitement relève pratiquement de la loterie. Certains médecins sont ouverts aux thérapies modernes, alors qu'une majorité reste fidèle à une prise en charge "qui a fait ses preuves" à coups de camisole chimique et d'internement, au mépris la détresse des patients.

Cet album ne se veut pas un ouvrage militant. C'est avant tout un hommage rendu à un proche qui s'est débattu avec cette pathologie. C'est aussi un rappel plus discret de l'impact sur les familles, impuissantes et perdues. Le propos est pudique, digne et utile parce qu'il rappelle que, contrairement aux idées reçues, le plus grand danger n'est pas pour les autres, mais bien pour la personne souffrant de ce trouble. Reste qu'au-delà d'une démarche louable, l'ensemble paraît parfois un peu scolaire. S'il est évident que l'auteur voulait à tout prix éviter de sombrer dans le pathos, il tombe parfois dans l'excès inverse. Sa proximité avec le sujet explique certainement la difficulté à conserver la bonne distance. Gabriel est tout en pudeur, touchant dans sa manière subtile d'intégrer des toiles peintes par le personnage principal, mais trop lisse et propre pour convaincre totalement.

Moyenne des chroniqueurs
6.0