Franklin Les prisonniers de l'Arctique

M ai 1845, l’Erebus et le Terror quittent l’Angleterre, avec à leurs bords cent-vingt-huit marins. La destination du Capitaine Sir John Franklin et de son équipage est le mystérieux et élusif Passage du nord-ouest, synonyme d’un accès rapide aux richesses des Indes. Christophe Colomb n’en pensait pas moins et, pendant plus de quatre cents ans, cette route a nourri les espoirs des explorateurs et a souvent précipité leur trépas. Cependant, cette fois, ça sera la bonne. Forte de toutes les dernières inventions nées de la Révolution industrielle et de la puissance de l’Empire britannique, l'aventure dispose des meilleurs équipements. La réalité sera toute différente et plus personne ne reverra ces hommes. Bien après, les épaves des deux navires seront retrouvées en 2014.

Moment majeur de l’histoire de la géographie, l’expédition Franklin se devait d’être présente dans la collection Explora. Au delà du drame humain, le sort funeste de cette entreprise a aussi eu des répercussions importantes dans la compréhension du monde arctique. En effet, sous l’impulsion de Jane Franklin, la richissime veuve du capitaine, de nombreuses missions de secours ont été organisées dans le but de retrouver des survivants tout au long du XIXe siècle. Si toutes sont revenues bredouilles, chaque voyage rapportait des quantités d’informations et d’observations scientifiques inestimables.

Michel Durand narre avec force et quelques audaces scénaristiques discutables le sort tragique de ce malheureux voyage aux confins des glaces. Faciès déformés par le froid et la douleur, désespoir et, vers la fin, hallucinations et scènes inavouables, la narration ne cache rien des affres endurées par ces hommes. En parallèle, dans la Londres victorienne, Jane ne cesse de harceler l’administration et l’Amirauté afin que des moyens soient engagés pour sauver son mari et ses compagnons. Résultat, malgré une reconstitution exemplaire, le découpage serré et les nombreux textes récitatifs assomment passablement le rythme de lecture. Dommage également que l’auteur ait choisi de prendre quelques distances avec les faits avérés (la présence de femmes à bord n’est pas encore totalement établie, par exemple). Ces épisodes mêlant violence et pathos n’apportent rien à un récit déjà poignant et absolument dramatique. Pour finir et nettement plus gênant, dans le dossier de fin d’ouvrage, l’utilisation répétée par Stéphane Dugast du mot Eskimo pour décrire les Inuits dénote d’une méconnaissance certaine envers les Premiers Peuples.

Malgré quelques points incertains de son scénario, Franklin – les prisonniers de l’arctique propose une description réaliste des conditions de cette débâcle en devenir et de l’impact que son échec produisit sur la société de son époque.

Moyenne des chroniqueurs
4.5