La fiancée (Abolivier/Vaccaro) La fiancée : d'après la vie d'Odette…

I l est essentiel que, dans un récit, le sujet soit précisément défini. Il peut y avoir des changements de perspectives ou des bifurcations. À la fin, il faut que les intentions des auteurs soient claires, et pas seulement louables. Sur le principe, il est impossible de douter que celles des auteurs de ce livre sont excellentes. La confusion du propos peut pourtant engendrer une frustration devant le déséquilibre de l'intrigue.

Le titre et le sous-titre ne laissent guère planer de doutes : La Fiancée, d'après la vie d'Odette Nilès, l'amoureuse de Guy Môquet. L'accent est clairement mis sur Odette. Dans un premier temps, elle s'impose comme une héroïne attachante. Cette fille de dix-sept ans, inspirée par sa famille militante communiste, s'engage très tôt dans la lutte contre l'occupant nazi. La Résistance n'en est encore qu'à ses balbutiements et il s'agit alors plus de manifestations et de dépôts de doléances que de sabotages et de maquisards. Les risques sont pourtant déjà énormes et la jeune femme se retrouve vite arrêtée et finit par échouer au camp de Châteaubriant, dans l'aile réservée aux détenus politiques. Jusqu'alors, le scénario propose une reconstitution historique intéressante des premiers mois de la Résistance en adoptant un point de vue original : celui d'une adolescente qui participe activement à ce combat.

Ensuite, le récit glisse progressivement sur la relation qui se noue entre Odette et le jeune Guy. Ils ne peuvent se voir qu'au travers d'une clôture, les prisonniers masculins étant à part. Ils ne sont plus des enfants mais ne sont pas encore tout à fait adultes. Une certaine gravité plane pourtant au-dessus de leur tête. À tout moment, ils peuvent être séparés, ou pire...

C'est à ce moment que les auteurs semblent perdre le fil de leur histoire. L'issue tragique est connue. La journaliste Gwenaëlle Abolivier et Eddy Vaccaro entreprennent alors de relater les derniers instants des fusillés de Châteaubriant. Le ton est digne et solennel. Il exprime une sorte de sidération qui fait écho à celle qui a certainement saisi les prisonniers lorsqu'ils réalisèrent l'inimaginable. Et de revenir sur Odette qui reçoit des mains d'un gardien une carte toute simple... les derniers mots que son amoureux a désiré lui transmettre.

Et ensuite ?

Rien.

Pourtant, le titre du livre laissait penser que c'était la vie d'Odette qui était au centre de l'intrigue. Clore ainsi le récit revient presque à la ramener au rang de simple faire-valoir. Il est vrai qu'elle n'est identifiée que comme la fiancée, donc associée à un homme. Une fois le fiancé disparu de l'équation, elle ne serait plus digne d'intérêt ? Il aurait suffi de quelques pages pour résumer la suite de son parcours, simplement parce qu'elle ne fut pas que la destinataire d'une carte, certes bouleversante de naïveté et de simplicité... Ou bien il ne fallait pas laisser supposer que cette bande dessinée lui était consacrée et repenser la narration pour tourner autour de son véritable sujet:

Moyenne des chroniqueurs
6.0