Bare Kness Les filles sages vont en enfer

D ernière-née d’une fratrie comptant déjà quatre filles et deux garçons, Tohar a grandi dans une des colonies israéliennes implantées en Cisjordanie. Fille du rabbin Sherman, elle a baigné dans la religion et l’activisme colon dès son plus jeune âge. Mais, peu à peu, l’enfant gâtée souvent laissée à elle-même a commencé à douter de sa foi, à sécher la prière, à fréquenter un garçon… Autant d’attitudes estimée illicites et lui valant les commentaires peu aimables de ses camarades… Entre soif de liberté et respect des traditions, l’adolescente cherche sa voie et espère trouver l’équilibre qui lui conviendra le mieux.

Souvenir d’une alarme alertant d’une menace terroriste ou d’un meeting pro-colonisation attifée un T-shirt orange, réminiscence des cours religieux dispensés dans son école confessionnelle ou de ses premiers émois amoureux, rappel de cette époque où elle acceptait tellement mal son corps soumis à la puberté : la bédéiste porte un regard ouvert et lucide sur son parcours personnel. Elle évoque à la fois ses choix, son apprentissage d’une vie libre (cigarette, tatouages, sorties en boite, etc.), tout en brossant un tableau sans aménité des contraintes liées à son milieu. Pour autant, son rapport à sa famille, notamment, reste empreint d’affection, tandis que celui à ses croyances se distend très progressivement, au fil des transgressions qu’elle entreprend.

Encadré par un prologue et un épilogue, l’histoire se découpe en trois parties, elles-mêmes composées de plusieurs séquences. Celles-ci sont illustrées par un trait semi-réaliste qui n’emportera probablement pas l’enthousiasme. Néanmoins, il se révèle expressif et va à l’essentiel, sans enjoliver la réalité vécue par l’autrice. Les planches s’affranchissent régulièrement des limites des cases sur certaines bandes, ce qui apporte un peu de dynamisme. La « chanson d’adieu » final résume avec franchise la relation de Tohar Sherman-Friedman à Dieu et à un pan de son existence, qu’elle laisse derrière elle.

Témoignage intime d’un cheminement personnel, Les filles sages vont en enfer constitue une lecture aussi intéressante que révélatrice d’une évolution et d’une acceptation de soi assumée, après des tâtonnements. À découvrir.

Moyenne des chroniqueurs
6.0